} "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume
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"Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume
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MessageSujet: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyJeu 20 Sep - 22:06
Natsume Shimomura
ft. H'aanit de Octopath Traveler

• Âge : 38 ans.

• Espèce : Magicienne.

• Nationalité : Française par naturalisation depuis ses 23 ans.

• Situation familiale : Une sœur aînée, Nagisa, et un demi-frère cadet, Nagato, ce dernier lui étant complètement inconnu. Un fils, Kaden, chez les Pégases.

• Groupe : Cerbère, professeure de botanique et jardinière.

• Familier : Une dragonne verte émeraude aux grands yeux jaunes, Kaede. D'un caractère très acariâtre, elle a toutefois un faible pour les enfants.

• Objet Magique : Son manteau.

Caractère

La première impression que pourrait avoir n'importe qui en la croisant serait peut-être la meilleure façon de commencer à la décrire : blasée, et particulièrement désintéressée, surtout par les autres. Et râleuse, seigneur, qu'elle râle, mais nous y reviendrons plus tard. Il n'est en effet pas faux de faire remarquer l'évidence même quand on la voit, qu'elle n'est pas tout le temps  vraiment là. Par le seul biais de l'observation, tout chez Natsume semble déborder d'un profond ennui de tout, d'une fatigue des autres comme d'elle-même, de ce qu'elle fait, et de ce qui est à faire. Ce n'est pourtant rien de plus que sa façon d'être ; et si elle peut être évidemment si blasée qu'elle en donne une forte impression hautaine, il faut prendre en compte qu'il s'agit juste de son expression habituelle, et qu'elle n'a jamais réussi à la changer. Plutôt difficile à impressionner et à intéresser, elle tend à regarder les trains passer, si l'on veut, plutôt que les saisir au vol. Oui, déjà, il est évident qu'elle est plutôt molle de caractère.

Pourtant, et c'est là que l'on met le doigit sur le problème majeur, Natsume dispose d'une empathie si forte qu'elle peine depuis toujours à la maîtriser. Hypersensible, elle est particulièrement observatrice et sentira très vite si quelque chose cloche ou pas, encore plus si son estomac se noue sans qu'elle ne sache forcément pourquoi. Cette empathie toute naturelle et qu'elle cherche perpétuellement à retenir et cacher fait d'elle quelqu'un de très sensible, bien loin de l'image froide et indifférente qu'elle se donne, à la fois car il s'agit d'une bonne défense, et car elle n'a jamais appris à faire autrement. De même, Natsume est quelqu'un de naturellement nerveuse et anxieuse, s'inquiétant souvent d'un rien, de manière démesurée et telle qu'il lui arrive de faire des crises d'angoisse, quoique la tendance se calme quelque peu avec l'âge.
Prendre compte du fait qu'elle a souvent honte de ses propres émotions et cherche à tout prix à les évincer serait une bonne chose, d'ailleurs ; dès lors qu'elle se sent débordée, ou ne sait comment réagir, elle peut se réfugier dans des paroles sèches et des expressions neutres pour s'assurer une fuite un tant soit peu discrète. L'idéal étant d'ailleurs la façade arrogante qu'elle porte quasiment en permanence, ce qui, pour le coup lui assure que personne ne voit qu'elle passe sa vie à hurler dans un coin de sa tête, ou à hésiter sur tout et n'importe quoi.

Elle est toutefois assez endurante, quitte à trop supporter, d'ailleurs. Elle n'admet jamais ses limites, surtout émotionnelles, et se pousse bien souvent à bout, même physiquement, parce qu'elle ne se permet pas des instants de repos et de simples contemplations de la situation. Comme bloquée, elle est alors face à un mur qu'elle préfère contourner, quitte à être face à la muraille de Chine. Et oui, elle est d’ailleurs très négligente envers elle-même, mais personne ne sera surprise.

Tout ceci, évidemment, pose d'énormes problèmes dans ses relations sociales. Ce n'est pas comme si elle était asociale, mais il est très clair qu'elle ne sait pas les gérer, ni ce qui est attendu d'elle. Les conventions et habitudes lui passent au dessus de la tête ; par exemple, si vous la saluez d'un signe de main quand vous la voyez au loin, elle ne pensera pas à vous renvoyer votre salut, et ne comprendra pas en quoi c'est anormal. Tout cela lui semble illogique, en somme, et les malentendus ainsi que les travers son monnaie courante.
Pourtant, quand on l'apprivoise un peu, il apparaît très clairement qu'elle tente de faire son mieux dès lors qu'elle croit ne pas être refoulée. Elle peut alors se montrer attentionnée, voir même tendre, quoique davantage à des occasions exceptionnelles. Plus serviable qu'elle ne le sait elle-même, elle n'a de toute façon jamais le cœur à laisser quelqu'un dans la pagaille, même si elle râlera du début à la fin, n'appréciant pas les pertes de temps.

Toutefois, il faut prendre en compte le fait que bien qu'elle ne s'attache que très peu, son attachement peut être très profond dès lors qu'un lien solidement noué se forme. Natsume en devient alors très influençable et manipulable, encore marquée par des décennies de relations malsaines. C'est également cet attachement intense qui la rend extrêmement rancunière : elle ne tolérera pas les écarts qui briseront sa confiance, et elle est quasiment impossible à récupérer à ce stade. Cette ambivalence lui pose évidemment un grand nombre de soucis, et la perturbe elle-même en permanence. On pourrait même dire qu'elle est assez peureuse dans ce cas de figure. Ses relations avec les autres l'effraient par les difficultés qu'elles peuvent lui apporter, et en même temps, elle se surprend à désirer sociabiliser, ce qui la met devant un paradoxe complexe et douloureux, encore à son âge. Plutôt lâche, elle préfère laisser une relation s'étioler que blesser les gens, et il est tout à fait possible qu'elle ne ne vous contacte plus si elle estime avoir fait une erreur.

Ces contradictions font de Natsume une individu rarement à l'aise, autant avec sa propre personne qu'avec les autres. Si elle est naturellement timide avec ses proches, particulièrement lorsqu'il s'agit des preuves d'attachement et d'affection, elle compense tout cela par une certaine rudesse et un caractère bourru parfois quelque peu surprenant. Abrupte et directe, elle tend à ne jamais passer par des métaphores et des grandes formulations, détestant tourner autour du pot ; d'ailleurs, si vous le faites, elle vous maudira cinquante fois et vous rappellera sûrement à l'ordre immédiatement. Sans surprises, elle est donc quelque peu impatiente également. Naturellement douée en sarcasme, elle se révèle souvent acerbe et cassante, sans forcément le vouloir.

Il s'agit toutefois de quelqu'un qui aime énormément s'amuser. Joueuse, taquine à tendance provocatrice, elle n'est rien d'autre qu'un gros chat qui, des fois, se plaira à faire joujou avec vous, ou vous ignorera tout simplement copieusement, en fonction des humeurs. Elle n'est toutefois aucunement compétitive, et s'en ira dès lors que la moindre forme de petit affrontement d'ego se révélera. Elle est certes très mauvaise joueuse, par le biais d'une fierté démesurée qui refuse d'accepter qu'elle puisse perdre ou avoir l'air idiote, mais elle ne rechignera jamais à faire une partie supplémentaire, par exemple. Si elle vous aime bien, d'ailleurs, le jeu sera sa meilleure méthode pour vous le le montrer, bien que ce soit assez peu clair quand on ne la connait pas ; ses sarcasmes permanents et ses fausses moqueries en agacent en effet plus d'un, à raison.

Au sujet des paroles, d'ailleurs, la nervosité rend souvent ses formulations brouillonnes, et il n'est pas rare qu'il lui arrive des petits quiproquos à cause de problèmes de communication. Si Natsume n'aime en général pas s’appesantir sur les sujets de conversation, c'est quelqu'un qui, dès lors que l'on arrive à parler d'un sujet qui la passionne, peut se montrer bien plus énergique et bavarde, révélant une facette de sa personnalité bien plus positive, dont elle est souvent un peu gênée.
Dans cette ligne de logique, il n'est pas surprenant de se rendre compte qu'elle est particulièrement studieuse et travailleuse, appliquée avec tellement de minutie qu'elle en devient excessivement perfectionniste. Et oui, elle est tellement ponctuelle et à cheval sur beaucoup de choses que ça en devient lourd. Natsume ne supporte en effet pas du tout de faire moins bien que ce qu'elle envisage à la base ; c'est pour elle quelque chose d'inconcevable et d'inacceptable, ne se rendant pas compte que cette recherche désespérée du « mieux fait » lui vient de son éducation. Sa rigidité, sa minutie et son méthodisme acharné peuvent être particulièrement agaçants pour quiconque doit le supporter. Quand elle veut faire quelque chose, ce doit être fait comme ça, et pas autrement, et si ça ne marche pas car vous avez opté pour une autre méthode, alors elle ne s'embêtera pas à vous le rappeler.
Sans aucune surprise, elle est bouffie d'orgueil et supporte très difficilement qu'on la mette en difficulté, ou même qu'on vienne à son aide. Pourtant, dans un paradoxe un peu ridicule, elle apprécie tout particulièrement que la personne en face dans une conversation soit capable de répliquer. Les gens qui s'affaissent, généralement, l'ennuient profondément. Et elle est totalement incapable de comprendre en quoi c'est parfaitement méprisant.

Toutefois, par son désir démesuré d'apprendre et de comprendre les choses, si il apparaît qu'elle a eu tort, elle s'excusera platement, avant de vous demander de lui expliquer et de vous observer avec de grands yeux brillants et attentifs. Elle essaie toutefois de contrôler sa trop grande discipline depuis la naissance de son fils, ce qui n'est pas aisé. C'est d'ailleurs ce qui lui donne un certain côté laxiste : des fois, elle n'a juste pas envie de se prendre la tête.

Le personnel, ça, c'est autre chose, malgré sa bonne volonté. Bonne élève depuis plus ou moins toujours, elle a développé une éloquence quasi naturelle dans le monde académique, ne disposant pas vraiment de soucis à parler en public si il s'agit de sa spécialité. Elle tient d'ailleurs un fort orgueil de ses connaissances, et raccroche plus ou moins son estime de soi désastreuse à ce qu'elle peut produire comme recherches, ce qui peut avoir des résultats tant catastrophiques que positifs pour un ou deux jours. Vu comme elle intransigeante avec elle-même, d'ailleurs, un article adoré un jour peut devenir détesté à la moindre petite relecture ; je vous laisse donc imaginer le grand huit des humeurs. Et oui, elle est du genre tatillonne et stricte, à toujours faire des commentaires si tout n'est pas parfait, étendant aussi ce défaut à sa vie personnelle.
Sans surprise, elle est donc très complexée, autant physiquement que mentalement, d’ailleurs, et fait de la surcompensation. Natsume se raccroche à des semblants de stabilité pour se faire croire que tout va bien, et éviter de regarder les soucis en face. Cela provoque d'importants problèmes bien souvent, encore plus quand l'on prend en compte le fait qu'elle est souvent plus ou moins déconnectée, la tête ailleurs, un peu à l'ouest. Elle se perd vite dans ses pensées, malheureusement souvent négatives, et pourra très vite oublier que vous êtes juste devant elle. Cela la rend relativement peu spontanée, et de longues phrases très réfléchies peuvent sortir de sa bouche deux ou trois minutes en retard, notamment.

En soi, toutes ces erreurs de communication viennent aussi d'une maladresse toute naturelle : Natsume est aussi peu douée dans le social qu'avec ses jambes, passant sa vie à chuter n'importe où. Et oui, elle chute même sur son propre manteau, ce qui peut donner lieu à des scènes désastreuses dès lors qu'on approche d'un escalier. Et ne la laissez jamais cuisiner, d'ailleurs, c'est un désastre aux fourneaux, ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où elle se nourrit essentiellement de légumes, de fruits, de féculents nature à petites doses et de crèmes glacées. De même, c'est quelqu'un d'assez étourdie, qui pourra oublier ce qu'on lui a dit en une fraction de secondes, suivie d'un « hein ? » et d'une expression de poisson mort lobotomisé.
Le fait qu'elle soit très secrète n'aide en rien, d'ailleurs. Naturellement introvertie, Natsume n'aime pas du tout parler d'elle-même et éludera dès lors que le sujet ne fera qu'effleurer vaguement la conversation. Méfiante, elle n'aime pas franchement se confier car la tâche peut lui être pénible, étant donné qu'elle ne se comprend déjà pas. De toute façon, elle fait très peu confiance aux autres, et tente toujours d'assurer ses arrières ; et oui, des fois, elle vérifie carrément si il y a des sorties dans une pièce pour s'éclipser si elle s'ennuie et s'agace.

Et s'agacer, elle le fait souvent. Comme nous l'avons déjà dit, c'est une râleuse à tendance caractérielle : elle n'aime pas qu'on se fiche d'elle, et elle le fait clairement entendre, malheureusement pour les tympans de tout le monde car sa voix porte beaucoup. Revêche et cynique, elle ne sera pas dérangée par le fait de se montrer pénible si elle estime qu'il y a un souci, pouvant se montrer très puérile lorsqu'elle refuse de lâcher une affaire qui lui tient à cœur, ou à l'ego. Hargneuse comme tout, elle peut être sujette à de grosses crises de colère si jamais elle est poussée à bout.
Calculatrice et assez sournoise, elle tend à insister quand elle veut voir quelque chose se réaliser, et met tout en œuvre dans ce cas de figure pour être satisfaite. Plutôt affirmative, elle hésite rarement lorsqu'il lui faut quelque chose. Elle se montre même très débrouillarde dans la plupart des situations, et peut vivre indépendamment sans avoir besoin de quiconque, du moins, dans la fonctionnement de la vie de tous les jours. Elle est même très prévoyante, et mettra toujours tout en œuvre pour que rien ne tourne mal, puisqu'un tel événement ravivait brutalement son anxiété. Sans trop de surprises, c'est quelqu'un de très astucieux.

Enfin, et Kaden le confirmera, Natsume est ringarde à n'en pas douter : elle n'est absolument pas à jour quant aux modes, à la culture pop, ou à toutes les nouvelles technologies. Elle fait plus ou moins partie de l'école « on tape sur l'ordinateur pour qu'il marche mieux », et ne comprendra quasiment jamais toutes les références que vous pouvez faire. Et n'essayez pas de lui expliquer, car si elle est de bonne volonté pour apprendre, elle vous assommera sûrement avec ses 1200 questions. Et oui, pour elle, Overwatch est un mirador de forêt.

Néanmoins, il serait faux de dire qu'elle n'a pas d'intérêts particuliers : c'est même tout le contraire, puisque depuis qu'elle est petite, tout ce qui touche au soin des animaux et à la botanique la passionne énormément.  Grande amoureuse depuis toujours des animaux, des créatures et de toutes les formes de vie naturelles, elle pourrait vous faire des discours entiers sur le fonctionnement de toutes ces petites bêtes, et l'affection démesurée qu'elle leur réserve. Ce n'est pas pour rien qu'elle a tenu un élevage et une petite ferme personnelle après l'abandon de sa thèse en biologie, à vrai dire. Grande amoureuse des bêtes et même des végétaux, elle se montre capable d'une surprenante empathie à leur égard, et oui, c'est le genre d'hippie un peu pénible qui vous hurle dessus si vous ne mettez pas le carton à recycler dans la bonne poubelle. On remarquera d'ailleurs qu'elle a développé un intérêt tout particulier pour les lézards, les reptiles et autres dragons qui peuvent lui faire pousser des couinements d'adoration particulièrement ridicules à leur simple vue. Et oui, elle gazouille devant ses "bébés" quand elle est seule, un peu de la même manière qu'elle a de se passionner d'un peu trop près pour les vieilles séries animées un peu kitsch. En vérité, quand elle aime quelque chose, elle l'aime de manière démesurée, et elle cherche à dissimuler cette information à tout prix, tant cette dernière "entacherait" sa fierté démesurée. C'est qu'on pourrait se rendre compte qu'elle est capable d'être tendre et attentionnée, et ça, c'est hors de question.

Un point, toutefois, aggrave considérablement son cynisme et son pessimisme constant : si elle est plus rebelle au fond de sa tête et n'aime pas vraiment la vie qu'elle mène ou le système dans lequel elle vit, elle a fini par s'y habituer. Tombée dans un conformisme qui lui arrache le cœur, elle tente de faire avec, mais au fond de son ventre, quelque chose continue de bouillir quand elle entend sa grand-mère parler de ses choix de vie, ou juste simplement du fait que « les magiciens tombent dans la décadence, à se mélanger, ne plus faire des choix honorables ». Il reste toutefois une chose sur laquelle elle est pour l'instant capable de protester : laisser son fils vivre la vie qu'il désire, tant que celle-ci le rend heureux. Encore faudrait-il qu'elle apprenne à lui parler et qu'elle comprenne ce qu'il désire d'elle, d'ailleurs, mais ce serait bien trop simple.

Une bonne description court serait de dire que Natsume est un mélange entre un lézard très bête et très lent, et le vieux chat aigri que tout le monde a déjà rencontré dans sa vie, et qui des fois, vous laissera peut-être vous installer près de lui sans vous mordre. Des fois.

Physique

Natsume ne ressort pas particulièrement du paysage, préférant de toute façon se fondre dans les décors et les foules, quoique ces dernières sont des cachettes moins tentantes à ses yeux. D'une taille relativement petite, elle ne dépasse pas le mètre soixante, sauf quand elle choisit de porter des bottes à semelles, utiles pour se balader à l'extérieur. De silhouette relativement fine, au delà de quelques kilos qui n'ont pas quitté ses hanches depuis sa grossesse, Natsume n'est pas particulièrement ronde. Quelques muscles, toutefois, ont trouvé place sur ses épaules, par le biais d'une activité physique domestique relativement régulière.  Cela ne les rends pas moins tombantes, toutefois, vu qu'elle ne fait jamais aucun effort de posture et semble continuellement alterner entre la droiture la plus rigide et l'affalement quasi-total, comme si elle passait de l'état d'une suricate inquiète à celle d'un paresseux qui attend que les secondes passent.

En effet, Natsume alterne entre une apparence d'assurance totale et de gaucherie hésitante absolue, et cela se ressent même jusqu'à sa démarche : de pas mécaniques et lents, l'on passe à des gestes plus nerveux et irréfléchis, parfois même complètement insensés. Cette ambivalence vaut d'ailleurs tout autant pour sa mine : la froideur distante et hautaine qu'expriment ses traits peut tout autant laisser place à une expression d'adulte dépassée, confuse, et franchement à la ramasse. Ce qui, pour être honnête, constitue une attitude plus sincère par rapport à la façon qu'elle a de réfléchir aux choses. Malgré le fait que sa santé se soit un peu améliorée par rapport à l'époque de son adolescence, l'âge commence à lui jouer des tours, et son teint plutôt pâle n'est pas uniquement le fait de ses gènes, comme ses cernes généralement ignorées par elle-même. Quoique il faut prendre en compte qu'elle a toujours été plutôt claire de peau. Sans être souffreteuse, il serait faux de dire que l'on a l'impression de parler à quelqu'un d'excellente vigueur et robustesse lorsque l'on la voit. Ne vous avisez pas de faire la remarque, toutefois, elle se vexerait en prétendant que non. Atteinte d'asthme chronique léger, elle doit surveiller ses poumons régulièrement, et faire attention à son poids suite aux complications amenées par la naissance de Kaden. Ah, et oui, il lui arrive de mettre des lunettes.

De visage comme de silhouette, ses traits semblent plutôt fins et anguleux. Des pommettes hautes et arrondies, comme l'est son menton, donnent à son expression une figure moins austère que ne le fait son regard. Un nez petit et droit se dresse au milieu de sa figure, et, léger détail qui l’embarrasse encore du haut de ses quasi quarante ans ; quand elle s'énerve, ses narines se gonflent quasiment automatiquement, ce qui lui donne alors l'air très ridicule. Si ses lèvres comme sa bouche sont plutôt petites, Natsume a la sale habitude de les mordre, tout particulièrement en cas d'anxiété ; et oui, elle se plaint à chaque fois que la douleur vient lui rappeler que c'est, après tout, une bien mauvaise idée. Si ses joues sont très légèrement arrondies, ses pommettes remontent dès lors qu'un sourire fait son chemin sur son visage (bon courage, vraiment, pour qu'il apparaisse), lui donnant alors fugacement l'air joviale.

Ce sont ses yeux, toutefois, qui amènent souvent à penser le contraire. La teinte noisette de ces derniers, pourtant, n'a rien d'exceptionnelle : elle est banale, quelconque, même si un petit liseré ambré peut y être remarqué. En soi, la forme non plus n'est pas exceptionnelle. Natsume doit toutefois à son métissage une forme d'amande et de grands yeux très légèrement plissés. C'est donc son regard, qui, généralement, provoque les premières impressions ; perçant et désintéressé, il tend à devenir plus calme et neutre dans le privé, quoique, étant plus ou moins toujours sur la défensive, elle oublie parfois de passer de l'un à l'autre, puisque c'est entièrement inconscient.
Des cils plutôt longs et ondulés les supplantent, et ses sourcils, plus fins, se montrent particulièrement expressifs ; ce sont généralement ces derniers qui vont trahir une réaction ou une émotion chez elle. Et qui lui donnent un air aussi hautain, d'ailleurs, car elle n'a toujours pas compris que certaines expressions donnent l'impression que vous vous foutez ouvertement des gens.

En outre, si Natsume dispose d'une chevelure de couleur châtain plutôt longue, elle n'est jamais détachée. Lorsque c'est le cas, toutefois, ils lui tombent jusqu'au bas des reins, ce qui explique sans doute les nombreux nœuds que l'on peut alors y trouver. Perpétuellement tenus en une ou deux longues nattes, elle n'en prend pas grand soin, ce qui contribue grandement à leur aspect hérissé et touffu d'ordinaire. Des mèches épaisses et tumultueuses se retrouvent ainsi fréquemment sur son visage, mais elle ne s'en inquiète pas trop ; ils sont indomptables, et elle a cessé de se battre depuis longtemps. Elle ne supporte d'ailleurs pas qu'on les touche. Quelques cheveux blancs ont commencé à apparaître avec l'âge, en outre.

Quant au style vestimentaire, un seul mot vous fera comprendre tout ce que vous aurez besoin de comprendre : la praticité. Si un vêtement n'est pas pratique, elle ne le portera pas, point à la ligne. Peu coquette, malgré son côté soigneuse à cheval sur la politesse, elle préfère s'habiller de teintes sombres, surtout le vert foncé et le brun, et d'habits confortables, qui lui permettent de se mouvoir comme elle le veut ou dans la nature. Adieu, donc, aux robes, tailleurs et autres jupes. Bonjour aux bottes de caoutchouc, aux grosses vestes, aux pantalons un peu larges, et aux hauts bien tenus. De toute façon, elle n'aime pas les tenues trop genrées. Si elle peut faire un effort de présentation pour paraître un minimum soignée quand elle le veut, les bonnes habitudes reprennent bien vite dès lors qu'elle se retrouve chez elle. Et là, c'est vêtements volontairement trop grands, habits en coton, crocs avec chaussettes, et tout le tintouin. Ah oui, et car elle est un peu chaotic evil au fond, elle prendra beaucoup de plaisir à mettre des choses qui ne vont pas ensemble si ça peut agacer (oui, être une edgelord à quarante ans, c'est difficile).
Si elle n'aime pas les bijoux et n'en porte jamais, un seul « accessoire » l'accompagne en permanence, et c'est le gros manteau noir excessivement longuet qu'elle traîne dans son dos, et qu'elle ne laisse jamais se tâcher. Par ailleurs, non, elle ne vous le prêtera pas pour faire Batman, déjà qu'elle ne sait pas qui c'est...

Au delà, une trace de brûlure se trouve sur son bras, descendant de son poignet pendant une dizaine de centimètres, résultant d'un vieil accident de son adolescence. Ah, et pour le détail, une tâche de naissance triangulaire peut-être trouvée sous sa cuisse gauche, héritée de sa mère.

A votre propos

• PUF : Segnif, ou Kaden, ici o/
• Âge : 21 ans.
• Comment avez-vous connu le forum ? : DC de Kaden.
• Un petit avis sur l'univers ? : Rien que je n'ai déjà dit avant, en tous cas, ça me plait toujours.
• Depuis combien de temps faites-vous du RP ? : On va dire une douzaine d'années.

Natsume Shimomura
Natsume Shimomura

Profil


Espèce
: Magicienne

Familier
: Kaede, une dragonne verte

Situation
: Aime les geckos et les bégonias
Professeure Jardinière
Professeure
Jardinière
Messages : 18
Points : 5
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyJeu 20 Sep - 22:13
Histoire

/!\ La fiche parle de manière appuyée d'abus émotionnel au point de vue du perso durant certains passages, alors je préviens par avance les personnes qui pourraient y être sensibles : )

La maison des Shimomuras, maintenant qu'elle y pense, n'a jamais vraiment été la sienne. Tous ces gens guindés, sévères, aux mines assombries qui passent entre les murs, elle est quasiment sûre qu'elle ne les aime pas. Ses jeunes yeux, d'ailleurs, n'hésitent pas à leur jeter des regards mauvais à chaque fois qu'elle les croise ; peut importe qu'elle se fasse taper sur les doigts à chaque fois qu'elle est prise en flagrant délit. Elle se permet même, en présence de sa sœur, d'être plus directe.

« J'aime pas, c'est caca.
- Ouais bah on a pas le choix, t'es pénible. »

La cadette pince ses lèvres avec ses dents, quelque peu agacée par la voix de sa sœur aînée. Du haut de ses quelques centimètres supplémentaires, Nagisa Shimomura jauge la plus jeune avec un certain mépris, le dos droit comme un bâton. Ce n'est pas comme si elle ne comprenait pas le malaise de sa sœur, en un sens ; Natsume n'était pas la seule à sentir l'angoisse lui remonter le ventre dès que leur père rentrait à la maison. Mais en même temps, difficile pour elle de se comporter autrement, du haut de ses neuf ans. Elle n'a pas vraiment envie de garder sa sœur de quatre ans son cadet ; pas comme si cette dernière voulait être gardée, d'ailleurs. Vu la manière qu'elle a de grogner alors qu'elle lui tient la main pour l'accompagner dans leur  maison, elle le fait bien sentir.
L'enfant, pourtant, sent la peur qui se dégage de la jeune fille aux cheveux longs. Elle relève un regard naïf et un peu impressionnable lorsqu'elle remarque que les yeux de Nagisa, durant une seconde, se sont baissés lorsque celui de leur paternel les a examiné juste une seconde. Ce n'est qu'un instant, évidemment. Kazuo Shimomura n'a pas un instant à leur offrir ; il a des « affaires plus importantes », comme le fait d'aller discuter elle ne savait quoi avec des gens dont elle n'était pas sûre de connaître le rôle. Cet instant suffit pourtant pour créer une telle tension en sa sœur que la prise qu'elle a sur sa main en devient douloureuse, assez pour que Natsume la retire avec une certaine vivacité, mécontente.

Puis, lorsque l'ombre de l'homme brun disparaît entre les murs de la maison, Nagisa se permet de souffler un instant. Elle semble toujours tout aussi crispée, et ses yeux passent d'un endroit à l'autre de la maison, comme si elle cherchait une sortie de secours. Natsume a l'habitude de tout cela, en vérité ; mais les éléments continuent de s'entrechoquer dans sa tête, suffisamment pour qu'elle plisse les yeux et les pose sur son aîné.

« Pourquoi il t'aime pas, Papa ? »

L'expression désabusée de Nagisa ne permet pas de faire abandonner sa question à la cadette. L'interrogée le sait bien, après tout, que rien n'arrête le regard inquisiteur et curieux de Natsume quand elle décide de poser des questions ; elle est juste lassée de répondre cent fois la même chose.

« Papa n'aime personne, Natsume. Personne. Ni toi, ni maman. Je te l'ai déjà dit plein de fois. Moi, je suis pas 'vraiment' sa fille. »
- Mais toi, il... »

Et encore, toujours, toujours, ces mêmes objections. Natsume ne comprend rien, comme d'habitude ; énoncer ces vérités ne fait que remuer encore plus le couteau dans la plaie, et la fillette n'a aucunement la patience de tenir les questions de sa sœur. Ce n'est pas, pourtant, comme si elle ne le savait pas : jamais elle n'a vu, ni entendu, ni même témoigné de la moindre preuve d'attention de son père à leur égard. Elle tente pourtant, encore et toujours, de chercher sa reconnaissance, comme si elle croyait que quelque chose clochait avec elle, et qu'elle devait s'adapter ; un comportement qui agace Nagisa au plus haut point. Natsume cherche à comprendre, quand il n'y a rien à comprendre, et que l'aînée l'a déjà compris. Elle reprend la parole d'une voix plus sèche, plus dure, un peu comme celle des grands qu'elle imite pour leur faire croire qu'elle n'a pas peur d'eux ; une habitude que sa cadette commence tout juste à prendre, d'ailleurs.

« Moi, j'suis rien. Pour eux tous, là, j'suis rien du tout, même pour maman, j'en suis sûre. Tu le sais, en plus. »

Natsume se tait, mais en vérité, elle ne saisit pas toujours. On lui avait dit que Nagisa, contrairement à elle, n'était pas légitime. Que chez les Shimomuras, il n'y avait qu'elle, en « héritière », ou un truc du genre, car apparemment, c'était important, pour les adultes. Pas comme si Natsume, du haut de ses cinq ans, c'est même ce que c'est, que la famille des Shimomuras. Peut-être vous dira-t-elle, très fière de savoir placer le Japon sur une carte, que c'est une famille de magiciens, comme elle. Et que le Japon est très loin de la France, le pays de maman, où elle ira sûrement un jour étudier comme l'ont fait chacun de ses ancêtres. Elle a saisi, en gros, qu'elle aura peut-être à gérer tout ça un jour, mais bon, c'est vague, et ça ne l'intéresse pas. Cela l'agace, même, quand son aînée lui rappelle ce qu'elle ne comprend pas, et qui l'enquiquine déjà au fond de sa tête.
Puis, en vérité, Natsume n'aime pas vraiment quand sa sœur continue d'affirmer ainsi qu'elle n'a aucune importance. Elle refuse même d'entendre que sa mère puisse faire du favoritisme ; peu importe qu'un grand nombre de ses souvenirs abondent dans ce sens. Elle ne veut pas y croire, alors cela n'existe pas. Ces histoires de mariage, pas mariage, née dedans, née pas dedans, cela sonne comme des trucs compliqués et sans grand sens pour une fillette de son âge. Elle n'est sûre que d'une chose, de son côté.

Sa main vient chercher avec douceur et affection celle de son aînée. Timidement, comme si elle craignait la moindre réaction à ses commentaires d'affection simple, elle ose reprendre la parole sous un ton effacé.

« Je t'aime, moi, Nana. »

Nagisa, sous la surprise, ravale sa salive durant une seconde. Son regard se détourne un peu. Natsume plisse les yeux, curieuse ; elle sait bien que son aînée ne l'entend pas souvent, mais elle ne comprend pas pourquoi ses yeux s'humidifient ainsi, ni pourquoi ses épaules tremblotent un peu, sous le coup. Une question lui brûlait sans aucun doute les lèvres avant que Nagisa ne reprenne la parole, un rictus faussement assuré sur son visage.

« Ouais. Ouais, je sais. »

Elle ne semble pas vouloir en dire davantage. Après tout, ses yeux continuent de jeter des coups d’œil à la porte qui se trouve près d'elles, d'où elles croient entendre venir des bruits de pas de plus en plus pressés. Par réflexe, les deux enfants haussent les épaules dans un instinct de défense, qui ne s'apaise que lorsqu'ils aperçoivent la silhouette de leur mère se dessiner dans la porte.
Immédiatement, la cadette se précipite contre les jambes de leur génitrice ; l'aînée lui offre un regard presque froid. Le ton plaintif, et qui laisse transparaître un peu de crainte, de la plus jeune, lui fait même serrer les dents.

« Maman, t'étais où... ?
- Ah, je terminais, mes chéries. Tout va bien... ? »

Nagisa lève les yeux au ciel. Distraitement, sa main vient tirer un peu la manche de son haut, juste assez pour cacher les traces bleutées qui peuvent s'y trouver. C'est sans surprise que le regard de leur mère s'est mis à examiner attentivement le corps de la plus petite ; comme elle le faisait durant toute la petite-enfance de cette dernière, après tout. Si Milla avait souvent expliqué à son aînée qu'elle restait majoritairement au chevet de la plus jeune car cette dernière avait davantage « besoin » qu'elle soit là lorsqu'elle était malade (et, Nagisa était assez mauvaise langue pour dire que 'de toute façon elle est tout le temps malade'), cela ne voulait pas dire qu'elle avait bu docilement ses paroles, bien au contraire. Sûrement pas quand elle voit que toute l'attention tout l'amour et toute la douceur de leur génitrice est entièrement dirigée vers la cadette.

« Oh, Natsume, tu es tombée... ? »

Nagisa soupire un peu, et s'éloigne en silence. Tandis que les bras rassurants de sa mère l'étreignent,  Natsume ne peut s'empêcher de jeter un  coup d’œil curieux vers la silhouette de sa sœur qui disparaît dans l’entrebâillement de la porte. Sa tête retourne toutefois se cacher contre le corps de sa mère dès lors que les cris familiers de son géniteur résonnent entre les murs, au même moment où elle sent Milla se tendre tout nettement. Sans un mot, elle se love davantage contre elle, en tentant de se dire que peut-être que la boule dans son ventre finira par partir, un jour.

--

« Natsume, elle ne voulait pas se moquer de toi, c'était simplement pour jouer, tu sais. »

L'enfant refuse de relever le regard pour croiser celui de sa génitrice, les yeux rougis et les jambes ramenées contre son corps maigrichon. Du haut de ses six ans, elle a un peu de mal à comprendre pourquoi chacune de ses tentatives de communiquer ne serait-ce qu'un peu avec un autre enfant de son âge finit toujours par se dérouler ainsi. Ce n'est pas comme si elle n'essayait pas, pourtant ; au contraire de sa sœur aînée, Natsume s'est vite révélée très sociable, curieuse et parfois même trop active, selon certains. Mais ce n'est pas si simple : elle n'a déjà que peu de contacts avec d'autres enfants, au vu de son emploi du temps chargé. Les tuteurs et autres professeurs particuliers ne forment pas vraiment de très bonnes formes de sociabilité. Oh, pour avoir un joli vocabulaire, et savoir manier quelques formes rhétoriques, c'est pratique. Savoir impressionner par sa culture générale aussi, en un sens, et c'est tout ce que sa grand-mère, matriarche de la famille, lui demande. Néanmoins, cela ne lui offre pas vraiment d'autres liens.
Et au fond, peut-être qu'elle a déjà du mal à communiquer, au grand damne de sa famille qui ne cesse de s'en plaindre, se contentant de voir cela comme une série de caprices en provenance d'une enfant forcément difficile. Milla est peut-être la seule à remarquer ce que sa fille, de son jeune âge, ne peut décidément pas comprendre. Elle n'est pas sûre quelle doive vraiment dire quoi que ce soit, d'ailleurs, de peur de ne la faire craindre quelque chose qu'elle ne devrait pourtant pas craindre, en réalité. Natsume est comme ça ; dans son monde, déconnectée, parfois. Comme si elle ne comprenait pas ce qui est évident pour tout le monde. Milla ne compte plus le nombre de fois  où son enfant lui a demandé des choses aussi simples que de savoir pourquoi les gens font telles choses, parfois, ou si une expression complètement ridicule ne serait pas entièrement littérale, par hasard. Puis, évidemment, il y avait l'incompréhension totale des codes sociaux les plus basiques, couplée à une empathie bien trop développée. Il y aurait des mots à poser là-dessus : Milla croit qu'il ne vaut mieux pas. Ce serait de la mettre en danger, que de faire remarquer qu'elle a peut-être besoin d'un guide extérieur.

Et aujourd'hui, en la voyant revenir d'une énième dispute avec une camarade dont elle n'arrive à saisir ni la façon de faire, ni la façon de penser, elle n'ose pas lui dire qu'il n'y a peut-être rien à faire. Alors Milla se tait, et se dit que tant qu'elle est là, elle pourra toujours recoller les morceaux. Avec une certaine irresponsabilité, elle pense que sa présence sera peut-être suffisante.

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« C'est quand qu'y naissent, les bébés à Dora... ? »

La question de sa fille tire un léger sourire amusé à Milla. Depuis que Natsume a entendu dire que la chatte n'allait pas tarder à accoucher, elle n'a de cesse de la chouchouter et de veiller à son confort, dès qu'elle le peut. Lorsque ses journées se terminent, et qu'elle arrive à esquiver la présence de son géniteur qui fait en permanence dévaler des frissons de crainte dans son dos, la fillette prend le temps de monter jusqu'aux jardins familiaux pour venir prendre compagnie avec les créatures qui y vivent. Et depuis que la grossesse de Dora a été annoncée, elle ne tient plus en place.
Ses grands yeux marrons passent de la figure de sa mère à celle de la femelle, qui pousse un miaulement rauque, appréciatrice de la main de Natsume qui ne cesse de la cajôler. La fillette aime beaucoup Dora. Lorsque les heures d'apprentissage se font longues, le vieux félin prend toujours le temps de venir ronronner sur ses genoux, même si elle laisse traîner ses boules de poil partout et que Natsume a alors vite intérêt à les nettoyer. Elle est donc plus qu'impatiente de découvrir les petits, même si elle est encore trop jeune pour saisir qu'il faudra attendre plusieurs jours encore au moins.

En même temps, aussi austère que soit la maison des Shimomuras pour elle, les jardins sont tout autre chose. Natsume y passe les trois quarts de son temps libre, après tout. Sa curiosité dévorante semble avant tout s'être portée sur les plantes et les créatures qui y vivent. L'esthétique, en revanche, lui importe moins. Et même si ses actions ne changent pas grand chose, elle tente de s'assurer que chaque petite bête est à l'aise, et que chaque plant ait le temps ainsi que les nutriments dont il a besoin pour grandir. Bien souvent, Milla prend la peine de couper et de faire disparaître discrètement, ou de remplacer, ceux qui meurent car elle n'est pas encore capable de s'en occuper parfaitement. Elle n'a pas vraiment le cœur de la voir attristée dans ses rares moments de plaisir.
Dans ces heures-ci, Milla a l'impression que sa fille est heureuse. Son visage s'illumine un peu, elle joue, et elle ressemble davantage à l'enfant qu'elle devrait être, et non ce que Namiko aimerait qu'elle soit. Cette dernière ne semble pas particulièrement contre les hobbies de sa petite-fille, tant qu'elle est jeune. Après tout, Natsume apprend assez vite pour qu'elle n'ait pas à se plaindre si cette dernière développe un petit intérêt envers les créatures diverses et variées. Elle déborde d'un tel enthousiasme, par ailleurs, qu'elle ne manque jamais de converser longuement à ce propos, allant à l'encontre de ses silences habituels. Alors Milla l'encourage, participe. C'est bien l'un des rares moments où elle a l'impression de lui offrir une enfance à peu près correcte.

« Bientôt. Tu veux m'aider à leur préparer des lits... ?
- Hm-hm !»

Manipuler du coton et des petits tissus n'a rien d'exceptionnel. Tout comme le fait de débarrasser le jardin des plantes les plus toxiques et les plus dangereuses. Ses gestes sont maladroits. Sa mère doit passer après chacun de ses mouvements, mais peu importe, au final. Natsume est satisfaite. Elle en oublie ses joues tâchées de terre, et sourit sans avoir honte de montrer ses dents.

« Quand j'serais grande, j'm'ocupperai des jardins et ils seront encore plus beaux ! On pourra y mettre plein d'animaux ! »

Le sourire de Milla est crispé. Un peu forcé, plutôt bas. Elle sait bien que cela ne sera pas possible. Mais elle s'accroupit à côté de l'enfant, ébouriffe tendrement ses cheveux sauvages, et lui offre sa voix la plus chaleureuse.

« J'ai hâte de les voir. »

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« Remets tes cheveux correctement. Comment veux-tu avoir l'air convenable ainsi ? Ce n'est pas féminin, tout ça ! »

La fillette ne grimace même pas lorsque des gestes secs lui tirent d'un coup d'épaisses mèches du crâne. Ses muscles se tendent, et elle serre les dents, mais n'ose pas bouger un seul membre de son corps. Elle ne sait pas vraiment ce qui se passera si elle le fait, après tout. Et au fond, elle a bien compris que son corps ne lui appartient pas ; peu importe qu'elle déteste s'être habillée ainsi, être touchée ainsi, ou même être présente à ces stupides réunions de famille, puisqu'il faut qu'elle le soit. Elle a tenté plusieurs fois d'y échapper, mais rien à faire, et elle l'a vite compris.
La seule chose qu'elle ait appris à faire, dans ces cas-là, est de regarder le mur. Regarder le mur jusqu'à ce qu'ils aient fini de faire d'elle un petit jouet à habiller, ou que les reproches se terminent. Sa gorge est serrée, et elle quasiment sûre que le nœud dans son ventre ne se dissipera pas de la journée. Elle laisse pourtant la femme remettre en place cette robe qu'elle déteste, et ces barrettes dans ses cheveux qu'elle rêve de brûler entre ses doigts. Mamie dit qu'elle doit avoir l'air jolie, et elle n'en a pas envie, mais ce n'est pas comme si elle avait le choix. Sa voix dure et sévère retentit dans ses oreilles dans un quasi claquement, comme si elle resserrait de nouveau ses nœuds.

« Si tu piques de nouveau une crise, je serais obligée d'en parler à ton père. Tu ne veux pas que cela se produise, n'est-ce pas... ? Tu es une bonne fille, Natsume, je le sais. »

L'enfant se crispe. La simple énonciation de son géniteur lui évoque un frisson de terreur, dévalant son échine mince alors qu'elle imagine très bien, par la force de l'expérience, ce qui se produirait si une telle éventualité était mise en marche. De son corps et de son visage raidi, toutefois, s'échappent quelques paroles marmonnées sur un ton qui n'ose même pas se montrer plaintif.

« Elle est où, Maman... ? »

Elle sait bien, pourtant, qu'elle ne viendra pas. Milla n'en a pas le droit, puisqu'elle n'est pas vraiment « des leurs ». L'enfant au cheveux châtains ne comprend pas pourquoi, car elle aimerait bien, elle, qu'elle soit à ses côtés. Pouvoir se cacher dans les bras rassurants de sa mère, et derrière ses sourires toujours aimables malgré la rudesse des regards qui lui sont opposés, c'est en quelque sorte la seule protection dont elle dispose face à tous ces adultes qui la terrifient, avec leurs sourires crispés et leurs paroles empoisonnées. Mais elle ne sera pas là, encore une fois.

« Elle est ailleurs. Toi, tu es là où tu dois être. »

La main qui se pose sur son épaule la fait se crisper d'un coup sec. Elle a l'impression qu'une masse vient la saisir, comme si elle pouvait la briser d'une seconde à l'autre, alors qu'il ne s'agit d'une main fine et ridée, sans plus. Elle sait pourtant déjà que tout son poids est bien là. Apeurée, elle ravale péniblement sa salive. Son ton se fait plus insistant.

« J'veux maman, moi.
- Ah, tu ne veux pas de ta mamie ? »

Confuse, elle relève son regard d'enfant vers le visage de sa grand-mère paternelle. Namiko Shimomura a quelque chose de doux, dans ses traits, dans son regard, dans l'affection sirupeuse de sa voix maîtrisée mais ferme tout à la fois. Quelque part, elle la rassure ; c'est bien la seule qui lui sourit, ou qui lui offre un visage reconnaissable dans la marée où elle est noyée. La peur lui vrille le ventre, mais en même temps, elle sait que ce sera bien pire sans tout cela. Sur l'instant, toutefois, Natsume n'ose pas croire qu'elle fera ce que la petite fille a compris. Pourtant, l'adulte reprend la parole d'une voix des plus innocentes, comme si elle ne voyait pas la panique grandissante dans les prunelles noisettes de l'enfant.

« Tu veux que je te laisse seule ? »

Un courant glacé lui passe dans la gorge, et ses épaules remontent d'un coup net. La panique lui retourne le ventre aussi vivement qu'elle attrape la main de sa grand-mère, les yeux écarquillés, affolée.

« Non, non ! Je veux rester avec toi, mamie. »

Namiko n'esquisse ni un sourire, ni un seul geste d'affection, laissant la main de sa petite-fille agripper désespérément à la sienne, rechercher son attention avec tout le désespoir d'une enfant apeurée. Elle la laisse faire, et lorsqu'elle est quasiment sûre qu'elle ne la lâche plus, détourne le regard sans plus de propos, l'expression froide et sérieuse.

« Bien, alors. Viens, maintenant. Tu as tes présentations à faire. Et serre moi cette robe, tu as l'air indigne, comme ça. »

Elle ne sait pas vraiment ce que ça veut dire, 'indigne', mais elle comprend bien vite qu'il s'agit toujours plus ou moins de quelque chose qui la concerne. Et cette boule, au creux de son ventre, qui refuse de partir, une fois de plus, lui serre encore davantage la poitrine.

-

« Je vais m'occuper de toi, ne t'inquiètes pas. Tout va bien se passer, Natsume. »

La main sur son épaule ne la fait pas bouger. Son corps se crispe d'un coup net. Elle a mal, très mal. Elle n'entend qu'à moitié ce qui lui est dit ; tout à l'heure, déjà, elle était à peine capable d'entendre les pleurs de Nagisa. Ses pleurs, ou ses cris de rage, à vrai dire, elle n'en est pas vraiment sûre : de toute manière, on l'avait fait remonter dès lors qu'elle s'était mise à crier, comme un chien galeux que l'on cacherait au fond d'une grange. Elle ne savait pas pourquoi, sur le moment. La cadette était sortie de sa chambre, l'air inquiète et renfrognée. Natsume aurait aimé la suivre ; mais cette poigne ferme, encore et toujours, lui a saisi l'épaule jusqu'à la contraindre de rester immobile. Pourtant, ce n'est rien à côté de la déchirure lancinante et dévorante dans sa poitrine.

Namiko ne quitte pas ses côtés. Elle la couvre de mots sucrés, de paroles rassurantes, la prend contre elle pour caresser ses cheveux et lui offrir de toutes les plus belles intentions. Natsume n'y répond : son corps est devenu aussi immobile que celui d'une petite marionnette depuis que les mots de la vieille femme ont pénétré ses oreilles.
Elle se rappelle vaguement de la manière dont elle s'était rapprochée. De son air attristé. De la douceur de ses gestes, alors qu'elle lui parle vaguement d'un accident, d'une tragédie, et qu'elle est sincèrement désolée. Au loin, les hurlements de Nagisa résonnent entre les murs, mais Natsume ne saurait donner un sens lettré aux syllabes qu'elle entend. Peut-être ne forment-elles même pas un seul mot, dans les faits. Natsume ne sait plus : il y a eu comme un coup, dans sa poitrine, puis plus rien. Comme si tout corps s'était ralenti. Un silence total, couplé à une douleur qui lui arrache les entrailles, lui remonte aux tripes et la saisit en pleine gorge. Mais, en surface, rien. Elle sent tout et ne sent rien à la fois.
Natsume ne comprend pas tout de suite, lorsqu'elle lui parle de sa mère. Elle ne saisit pas vraiment pourquoi sa mère serait partie seule en voiture, même pour faire ne serait-ce qu'une petite course. Ni comment diable elle aurait pu perdre le contrôle de l'engin, par ailleurs. Elle ne saisit plus rien, à vrai dire. Une chose, peut-être, lui est certaine, après tout ça.

Le nœud dans son ventre ne part plus.

-

« Ce n'est pas suffisant. Clairement, tu ne fournis pas assez d'efforts. »

Un peu confuse, la jeune adolescente ravale les questions qui lui passent en tête. Pour le coup, Natsume ne comprend pas. Ses notes ne sont pas différentes de d'ordinaire, pourtant. Pas de celles qui tiraient à sa grand-mère un rictus de fierté, ainsi que des compliments chaleureux et si flatteurs, si débordants de belles paroles, que l'enfant en manque cruel d'attention qu'elle est boit comme une assoiffée. Elle continue de les boire, d'ailleurs, s'accrochant au moindre de ses mots les plus gentils pour se rassurer. Mais parfois, Natsume ne comprend pas pourquoi elle n'y a plus le droit.
Elle se dit qu'elle doit sûrement imaginer des choses. Après tout, c'est sûrement à elle, de fournir la perfection qui attendue, n'est-ce pas... ? Namiko est déjà bien gentille de lui fournir des livres, un espace à peu près sécurisé, ou juste de subvenir à ses besoins ; du moins, elle en est persuadée car on n'a de cesse de lui répéter. Natsume ne connait pas des masses d'alternatives, après tout, et le souvenir du traitement de son père est tel qu'elle se sent bien illégitime à chaque fois que quelque chose la dérange. Il est vrai, en outre, qu'elle n'est pas pleinement satisfaite de ses travaux. Mais là encore, elle est bien incapable de reconnaître que son perfectionnisme n'est rien d'autre qu'une vaine tentative de compenser une estime de soi bien faible et un besoin désespéré qu'on la remarque.

Ses reproches sont secs, et son regard tout autant. Natsume cherche pourtant à y distinguer une trace de l'appréciation qu'elle croyait voir avant, ou de cette fierté qui ravivait juste un peu sa poitrine, et le tirait de son apathie assommante. Elle a toutefois l'impression que chaque phrase acide et chaque commentaire est une lacération de plus dans un poitrine. Une déception supplémentaire de sa part, un échec à ajouter à la liste, ajouterait-il, sans réaliser qu'elle ne fait que répéter un vocabulaire qui n'est pas le sien. En même temps, Natsume ne fait que ça, réagir par mimétisme. Face à des situations qu'elle ne comprend pas, face à des gens qui partagent comme un langage qu'elle est incapable de saisir, elle en vient à faire ce qu'on attend d'elle. Car c'est comme ça, sûrement que tout ira mieux : un joli mensonge dont elle a réussi à se persuader. C'était déjà ce à quoi son éducation l'avait formatée, après tout. Elle ravale ses larmes, maladroitement, difficilement, car elle sait également ce qui arrivera si quelqu'un voit de nouveau ça : sa sensibilité n'a jamais été vraiment appréciée, dans sa famille. Elle non plus, au passage, mais qu'elle accepte de le reconnaître est une toute autre histoire.

En silence, elle hoche de la tête. Elle peut faire mieux. Elle doit faire mieux. De très bons résultats ne suffisent pas ; il en faut des excellents. Sûrement d'ailleurs que lorsqu'elle y parviendra, le malaise qu'elle ressent à l'égard de sa grand-mère finirait par se dissiper. Natsume arrive à se convaincre qu'elle imagine des choses, que sa peur est le fruit de sa propre culpabilité, et que le regard acerbe que cette dernière lui envoie n'est que le reflet d'une sévérité juste mais nécessaire. Sa mère n'était pas ainsi ; mais là encore, personne d'autre n'était comme elle. Ce ne peut qu'être la forme que prend son affection, affection qu'elle arrive à obtenir quand elle se plie aux désirs de son aînée, ou du moins elle le croit. Mais en même temps, comme une asphyxiée, elle s'accroche à plus ou moins tout qui daigne ressembler à une bulle d'air.
Les épaules tendues, elle baisse docilement la tête. Le nœud dans son ventre ne part toujours pas ; il en est même devenu douloureux. Mais peu importe, car comme toujours, Natsume pense que le problème vient d'elle, alors elle se promet de faire des efforts, quitte à sacrifier tout ce qui n'est pas du ressort des exigences de Namiko. Elle ne réalise même pas que c'est exactement ce que cette dernière veut ; peut-être même que cela la convaincrait de continuer, tant elle est obstinée de la satisfaction des autres pour enfin parvenir à se persuader qu'elle n'est pas totalement insignifiante.

« Excusez-moi. Je... Je ferais de mon mieux pour rattraper ça.

Ce n'est jamais assez, évidemment. Ce ne sera jamais assez. Elle est toutefois bien incapable de le comprendre.

-

Tu es particulièrement ridicule, Natsume.

Le grondement de la dragonne fait sursauter la jeune. Cette dernière lui adresse son regard le plus venimeux, encore peu habituée à ses remarques depuis qu'elle a intégré Hortensia. Ce n'est pas vraiment, d'un autre côté, comme si elle appréciait le fait qu'on pointe aussi naturellement ses nombreuses erreurs. Tout naturellement, elle se met sur la défensive, et claque de la langue, tentant de se donner l'air plus imposante qu'elle ne l'est vraiment.
Malgré elle, une de ses mèches de cheveux, remonte un peu, ce qui la fait pester. Tout particulièrement indomptables malgré le fait que l'on persiste à lui faire les tenir, l'adolescente tente vainement de les contenir, comme tout le reste, si l'on était mauvaise langue.
Elle n'a pas l'air à l'aise, de toute façon, dans ces vêtements trop proprets pour elle, dans cette jupe qu'elle tente en permanence de rajuster car elle préférait bien mieux porter un pantalon. Elle compense, comme d'ordinaire, pour cacher ces épaules crispées, ce regard fuyant mais perçant malgré tout, et sa nervosité habituelle. Natsume sait qu'on attend d'elle que rien ne dépasse. Le contrôle s'étend de ses études à son physique, en dépit de ses goûts qui n'ont pas vraiment de valeur, de ce qu'elle en sait. Pas comme si cela avait une importance, néanmoins, car on ne cessait de lui rappeler que "tout de même, ce n'est pas Milla, nous n'avons pas de chance", ou que "la démarche n'est pas assez féminine", "trop de rudesse, pas assez de grâce", et autres commentaires plus ou moins cachés sur ses traits trop durs, son regard trop froid, ses mots trop acides. Natsume comprend bien qu'elle n'a pas le choix ; c'est ce qui rend ce début de puberté encore plus difficile qu'il ne l'est déjà sur un plan psychologique (mais ça, il faudrait encore qu'elle en soit consciente).

Un peu troublée, malgré tout, elle se met sur la défensive d'un coup net et grogne presque contre son familier.

« Ce n'est pas moi qui ait commencé ! C'est elle, qui m'a défié ! Ce n'est tout de même pas ma faute si elle a perdu, non ? »
Tu n'avais aucune obligation d'être aussi mesquine et dure. Pensais-tu vraiment que la faire pendre par les pieds était une réponse adaptée ?

La jeune adolescente lève les yeux au ciel de la manière la plus évidente possible, comme pour compenser un manque d'assurance. En considérant la dragonne d'un air hautain, bien assise dans l'herbe à tenter de griffonner quelques informations qu'elle retranscrit assez mal, elle s'embête même à user d'une voix bouffie d'arrogance ; la même qu'elle utilise pour parler à ses camarades et masquer sa timidité maladive, des fois.

« Comme si elle s'était gênée. C'est elle qui a commencé à parler de Nagisa, ou à... »
... Dire que tu étais un frigo dégoûtant et que c'était normal que tout le monde te déteste?

La bouche de Natsume se ferme tout net. Elle détourne la tête, la replongeant dans son livre d'herbologie qui n'est, étrangement, plus au centre de ses pensées. Son visage se ferme, retournant à une expression froide et apathique au possible, les épaules haussées. Si elle ne remarque pas que le tapotement de son doigt sur l'ouvrage trahit sa nervosité, elle n'entend pas non plus la légère inflexion anxieuse de sa voix.

« Rien à faire. Moi, je réussis mes études, et elle, elle est à la ramasse en permanence. Ce n'est pas comme si c'était moi qui ratait ma vie, d'entre nous deux. »
Est-ce que c'est ce que Namiko t'a dit... ?

La cadette se braque davantage, et parle plus sèchement encore. La simple mention du nom de sa grand-mère paternelle suffit à faire dévaler un frisson tout le long de son échine. La dragonne souffle un peu, exaspérée. Le ton acide de sa maîtresse ne sert à rien, mais elle persiste à l'utiliser quand même.

« Et alors, qu'est-ce que cela ferait, si c'était elle qui me l'avait dit ? »
Tu n'y crois pas vraiment. Tu répètes bêtement, comme une enfant devant un dictionnaire. C'est déplorable de lâcheté.

Kaede est quasiment certaine qu'elle a touché un nerf. Un nerf très vif, si l'on en juge par la manière dont la Shimomura peine à répondre, les yeux baissés avec obstination. Elle ravale sa salive, profondément mal à l'aise. Encouragée par le silence, la dragonne se hausse légèrement sur ses pattes, et fait le tour pour s'assurer que sa grande gueule verdâtre ne soit trop loin de sa maîtresse ; Kaede n'aime pas quand elle détourne le regard. Natsume respire la nervosité : le naturel revient au galop dès lors que ses pathétiques petites murailles sont touchées.

Tu ne l'écoutes pas non plus, quand elle te dit qu'il faut garder les Sorciers à « leur place ». Ou quand elle dénigre tes fréquentations.
« Elle... Elle ne les dénigre pas, elle s'inquiète juste pour moi, e-et... »
Elle s'inquiète tellement de tes fréquentations que tu n'en as aucune.

La sécheresse de sa réplique a au moins le mérite de faire taire la Magicienne. Elle a définitivement abandonné l'idée de faire croire qu'elle est en train de lire, au moins. Kaede sait bien, pourtant, que le doute qui remonte dans sa poitrine n'est que le reflux de ce qu'elle tente de cacher en permanence. Depuis la mort de Milla, après tout, Namiko s'est chargée à elle seule de l'éducation de sa petite-fille. Chaque jour, Natsume suit son programme. Kaede n'est pas sûre, toutefois, qu'elle soit totalement inconsciente de ce qui se passe. Au fond, la dragonne ne veut pas la voir malheureuse ; elle estime que la secouer un peu est sûrement moins traumatisant que de laisser les choses continuer à se dérouler ainsi.

L'écoutes-tu, quand elle te dit que Nagisa est partie car elle n'est qu'une moins que rien ?

Le souvenir est encore brûlant, et Kaede le remarque à la manière dont les yeux de la Magicienne s'humidifient, dans l'espace d'un seul instant. Nul doute qu'elle garde encore douloureusement en elle le bruit exact qu'avait fait la porte du manoir Shimomura lorsque sa sœur aînée en était sortie, promettant de ne plus revenir. Natsume n'aurait pas su dire si c'était les disputes de plus en plus fréquentes avec sa sœur qui avaient provoquées son départ, ou si elle attendait simplement de finir sa scolarité pour se le permettre ; et de toute façon, elle n'avait plus aucun moyen de le savoir, maintenant qu'elle était sortie de sa vie. Une plaie qui, contrairement à ce qu'elle peut prétendre, est toujours sanguinolente, venant en rejoindre plusieurs, toutes aussi douloureuses, que Kaede est fatiguée de voir s'infecter.

Mais tu l'écoutes, quand elle te dit que tu ne fais aucun effort alors que tu passes ta vie dans les études. Tu l'écoutes aussi, quand elle te dit quoi faire. Quoi penser. Quoi penser de toi, même.

Si Natsume était honnête avec elle-même, elle n'admettrait qu'en réalité, elle ne pense plus depuis quelques années, maintenant. Elle obéit. Elle exécute, silencieusement, docilement, en ravalant la bile au fond de sa gorge. De temps à autre, quand elle se surprenait à des accès de rébellion, comme si la soupape manquait de lâcher, ses vaines tentatives étaient brisées en quelques minutes à peine. Une fois, on l'avait enfermé dans sa chambre après avoir retiré tout ce qui s'y trouvait, hormis son lit, pendant toute une journée.D Une autre, on lui avait interdit tout accès à la bibliothèque, puis aux jardins. Tout ce que Namiko prenait, elle pouvait lui retirer d'un claquement de doigts. Rien qu'y penser fait s'agiter une peur profonde au creux de son ventre.
Et au fond, Natsume ne sait pas si elle a bien le droit de s'y opposer. N'est-ce pas un peu de sa faute, aussi... ? N'y-a-t-il pas un peu de vrai, dans ses reproches, dans son air sévère ? Ne veut-elle pas juste le mieux pour sa petite-fille, quitte à en demander beaucoup ? L'adolescente n'a jamais vraiment su ce que c'était, que d'avoir quelqu'un qui croit en elle, ou qui lui dit qu'elle n'est pas insignifiante tant qu'elle n'a pas atteint un niveau de perfection « digne ce qu'elle pourrait être ». Milla n'est plus là pour le faire depuis sept ans, maintenant, et les quelques maigres souvenirs que Natsume garde en elle disparaîtront avec les années, au rythme où vont les choses. Alors oui, ce qu'elle prend pour de l'amour en provenance de sa grand-mère, de la reconnaissance, un sens, elle les boit désespérément, sans se rendre compte que ce ne sont que des placebos destinés à faire passer des objectifs plus vils.
Kaede, elle, est fatiguée. Fatiguée, inquiète, et, dans le creux de son ventre, furieuse. Mais sa voix se fait plus douce, lorsqu'elle s’aperçoit que sa maîtresse peine à retenir des larmes. Ce n'est encore qu'une enfant, après tout. Ses remarques, qui étaient auparavant sèches, se font plus douces, pendant un instant.

Tu ne devrais pas.

Au fond, sûrement qu'elle le sait. Sûrement que c'est pour ça, qu'elle tente vainement de se lier avec d'autres adolescents de son âge, sans jamais réussir, car elle est bien incapable de les comprendre, et et qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'apprendre à le faire. Qu'elle essaie de faire la conversation, parfois, même en étant insultante avec ses interlocuteurs car elle n'a pas appris à prendre en compte les émotions des autres. Ou qu'elle tente de s'affirmer puérilement dès lors que son ego et sa fierté sont touchées à cœur ; ce n'est clairement pas le premier ni le dernier de ses petits combats stupides, à en juger par les bleus sur ses bras. Kaede le voit, des fois, qu'elle essaie. Et elle aimerait que cet essai débouche sur quelque chose de plus grand, mais pour ça, il faudrait un déclic. La réaction de la magicienne brise tout espoir en elle à ce propos.

« Tais-toi, j'ai mes révisions à faire. »
Quoi, celles que tu as déjà faites cinq fois ? Ou celles pour ton « orthographe déplorable ? » »

La citation de Namiko a au moins le mérite de la faire réagir un peu, ne serait-ce que par la crispation de ses doigts sur le papiers. Mais par la suite, elle ne lui accorde même pas un regard. Vu la manière dont elle l'ignore ensuite dans toute l'après-midi, Kaede croit avoir parlé en vain.
Elle avait tort.

-

Ils n'ont pas de raison de te détester. Cesse donc de faire l'enfant et comporte-toi normalement.

L'adolescente semble hésiter. Nerveusement, elle rajuste un peu le pantalon qu'elle a emprunté à un camarade et jette un coup d’œil à son reflet dans le miroir. Rien à dire, c'est définitivement plus confortable à ses yeux, même si elle risque un avertissement dès qu'elle sortira du périmètre sécuritaire des dortoirs. Enfin, de toute façon, elle ne compte pas le faire. Mais sa nervosité grandit au fur et à mesure que les minutes passent, et que l'heure fatidique de cette rencontre approche progressivement.
Car en effet, pour la première fois depuis un moment, Natsume a osé proposer à certains de ses camarades d'aller réviser en groupe ; une première qui a tant étonné Kaede qu'elle s'est d'ailleurs étouffée avec sa propre langue lorsque sa maîtresse lui en a fait part. Après avoir longuement boudé, vexée du rire incrédule de la femelle, toutefois, elle n'avait pas pu s'empêcher de se poser mille questions à haute voix.

« M-mais après ce qui s'était passé, enfin... »

Nerveusement, elle bredouille quelque chose dont elle ne saisit même pas le sens en rajoutant quelques ouvrages à sa pile, en se disant que ces extraits-là, ce petit passage, pourraient vraiment se révéler utiles et aider les autres comme ils l'ont aidé avant. L'adolescente veut vraiment faire bonne impression ; et en même temps, au vu de sa réputation de petite peste prétentieuse et caractérielle, il n'est pas étonnant qu'elle marche sur des œufs. Mais depuis peu, pourtant, elle tente de faire quelques efforts. Rendre service, éviter de voir une attaque dans chaque interaction, et, de temps à autre, se forcer à un sourire particulièrement crispé (qu'on lui a vite dit d'arrêter, car apparemment, c'est effrayant). Tous ces efforts ne semblent pourtant rien du  tout à côté de la sortie de ce jour. Ce n'est rien, en réalité, elle devrait le savoir. Mais comme d'habitude, Natsume fait tout un foin d'un rien quand son anxiété prend le dessus.
Kaede le sait bien, et c'est pour cela qu'elle laisse échapper un soupir exaspéré face aux manières de sa maîtresse.

Contrairement à toi, la majeure partie de la population est capable de passer à autre chose. Sois à peu près aimable, et tout se passera bien.
« Et c'est toi qui dit ça.... »
Excuse-moi ?
« Oh, rien. Préviens-moi, la prochaine fois que tu te tentes de manger l'une de mes camarades. »
Je n'allais pas la manger, allons. Pas assez de viande.

Par la manière dont elle souffle un peu des narines, Kaede croit voir un gloussement réprimé. Elle n'en a pas vu souvent ; silencieusement, elle se promet de tout faire pour en voir d'autres.

-

Les papiers lui semblent être le moment le plus pénible de tout ce cirque. Le déménagement en Italie pour ses études supérieures, une fois son diplôme obtenu, était une chose. Elle n'avait pas beaucoup d’affaires à emmener, de toute façon, alors le pire avait été ces histoires de changement d'adresse. Le dépaysement total, associé au fait de vite devoir arriver à se débrouiller dans un pays où elle parle à peine la langue (de quoi savoir quoi dire quand elle veut une glace framboise, par exemple) est une chose ; s'occuper des papiers dus à sa scolarité en est une toute autre.
Ce n'est pas comme si l'université lui avait déplu, après tout. Après cinq années, et un master en poche, Natsume est quasiment sûre que ce qu'elle fait la passionne. La pression sur ses épaules, elle a presque oublié qu'elle existe, d'ailleurs. Entre ses recherches, et les rencontres qu'elle a fait, l'ayant motivée à rester par ici, le nom des Shimomuras semble n'être devenu que quelque chose qu'elle mentionne vaguement dans tous ces papiers soporifiques. En même temps, après avoir enfin goûté à un peu de repos et de tranquillité, il lui est particulièrement difficile de ne pas renâcler à tout cela. La voix un peu hagarde de sa sœur aînée au téléphone, par ailleurs, n'aide en rien à calmer ses nerfs. Enfin, au moins, depuis qu'elle a pu s'éloigner un peu du contrôle de Namiko, qui lui avait « offert de bonne grâce car les études, c'est prestigieux », ou une idée du genre, elles ont repris contact. Une chance que la jeune femme n'aimerait pas mettre en danger en remballant sa sœur un peu trop durement ; elle renonce donc à lui demander si elle décuve encore, à quatorze heures.

« Tu m'écoutes, Nagisa ? Je crois que c'est la deuxième fois que je t'explique.
- Non mais, j'écouuute, j'écoute... Roh, Isaac, laisse-moi des céréales, purée ! »

Natsume ne sait pas trop ce qu'elle bredouille en suédois. Mais à vrai dire, elle a depuis très longtemps appris à ne pas poser de questions. Sa patience semble toutefois être relative, car ses doigts tapotent machinalement sur son formulaire, le regard agacé. D'un coup d’œil, elle jette un regard au réveil qui se trouve dans la chambre, avant que la voix de sa sœur ne revienne de l'autre bout du combiné.

« Une bourse pour un doctorat en... En quoi, t'as dit ? Biologie des micros ?
- Microbiologie, Nagisa. Je vais travailler sur les cellules des plantes et les productions, en collaboration avec des collègues pharmacistes.
- Ah, genre, euh... Tu vas regarder des camélias ? 
- Oui, Nagisa. Je vais regarder des camélias, exactement. On me paie pendant trois ans pour regarder des camélias, ils n'ont que ça à faire, par ici. »

Elle n'a pas pu s'empêcher un commentaire sarcastique. En même temps, elle a d'autres choses à faire, même si entendre la voix de son aînée lui remplit toujours la poitrine d'une sensation chaude, surtout après avoir perdu contact pendant quatre ans. Enfin, c'était Nagisa qui avait fait les démarches pour cela, mais... Mais oui, Natsume est contente de l'entendre. Une satisfaction qui transparaît presque physiquement, puisqu'un début de sourire étire ses lèvres ; hors de question de l'admettre, toutefois. Son ego n'y survivrait pas.

Les interactions lui semblent plus simple, depuis quelques années. Il faut dire que peu à peu, les rencontres qu'elle a pu faire à l'école, et les quelques rares liens qu'elle a conservé, lui ont donné une impression de ce que cela pouvait être, de ne plus vivre pour le regard de Namiko. Lentement, mais sûrement, son comportement a changé, petit à petit. Il lui est même arrivé, de temps à autre, d'oser hausser le ton en public, ou de regarder sa grand-mère dans les yeux alors qu'elle refusait de faire quelque chose. Le souhait de s'éloigner avait alors grandi dans son esprit, alimenté au fil des années par des souvenirs qui, elle le savait, n'auraient jamais trouvé de semblables dès lors que sa scolarité se serait finie, et qu'elle serait retournée dans le giron de Namiko. Tout naturellement, et car les études lui avaient plu, elle avait alors continué ces dernières. Entrer en doctorat n'était pas seulement un plan de carrière, malgré son goût pour la recherche ; c'était aussi un délai supplémentaire de liberté. La suite, ça... Elle préférait ne pas y penser, la nuit. Bien souvent, ignorer  l'inévitable était ce qui la sauvait de crises d'angoisse.
Nagisa, toutefois, reprend la parole d'un ton un peu hésitant, visiblement tout aussi embêtée qu'elle face à l'acte simple de faire la conversation.

« Et, euh... T'es contente ? J'veux dire, t'es heureuse ? »

La question la prend par surprise. Sur le coup de sa maladresse innée, Natsume en vient à renverser son encrier, poussant des jurons particulièrement vulgaires qu'elle est particulièrement douée pour apprendre depuis son entrée à la fac. Néanmoins, la biologiste n'arrive pas à vraiment à se préoccuper de l'encre renversée, sur le coup. Son esprit reste bloqué sur la question de sa sœur aînée, et son regard s'absente un peu pendant quelques instants.

Sans être vraiment mélodramatique, Natsume ne sait pas vraiment ce que c'est, qu'être heureuse. Le psychiatre qu'elle accepte de voir depuis tout récemment aurait bien des choses à lui expliquer à ce propos, mais la Shimomura tente de se faire une idée par elle-même.
Pour l'instant, elle n'a pas de raisons de se plaindre. Relativement bien accompagnée, avec quelques amis, des habitudes rassurantes et un quotidien qui lui donne enfin envie de se lever le matin, ou de se dire que les journées grises finiront forcément par se terminer, elle est capable de dire qu'elle apprécie son quotidien. Cette anxiété permanente au fond de son esprit n'a pas entièrement disparue : peut-être qu'elle ne le fera jamais, d'ailleurs, mais elle ne la dévore plus. De temps à autre, les restes se font sentir, mais ils ne la submergent plus. Elle n'a plus peur d'aller se coucher, et ne craint plus de tenir une conversation avec quelqu'un. La petite voix dans sa tête qui ne cessait de la pousser à dénigrer les autres et tout ce que son cerveau jugeait comme inutile ou ridicule se tait de plus en plus. Quelque chose se délie, lentement, très sûrement.
Sans arrogance de sa part, en outre, elle a même l'impression de devenir une meilleure personne, maintenant qu'elle ne craint plus que son empathie soit moquée à tous les coins de rue, ou qu'un poids énorme n'est plus sur ses épaules. Un peu plus ouverte, sans toutefois jamais sortir complètement de son petit monde car c'est quelque chose qui lui est sûrement impossible, il lui est même arrivé de commencer des conversations avec des inconnus, des fois, ou de s'essayer à des plaisanteries, même si cet art reste encore en partie un mystère à ses yeux. Elle laisse davantage parler son instinct doux et généreux, quitte à offrir des réconforts un peu crispants, des fois, ou des accolades particulièrement maladroites. Des formulations brusques, voir vexantes quand elles sont bêtement neutres et objectives ; donc des échecs, des fois, oui. Mais elle essaie. Ce n'est pas exactement facile, et les échecs sont très nombreux. Mais à contrario d'avant, Natsume a envie d'essayer.
Et au fond, ce qui mijote dans son ventre depuis quelques années, ce qui soulève sa poitrine quand tout lui donne envie de s'enterrer, ou qui s'agite en elle dès lors que quelque chose de plaisant se produit, Natsume se demande si ce n'est pas ce dont Nagisa parle. Avec un petit sourire qu'elle ne réalisait même pas avoir, elle parle d'une voix plus calme et tranquille.

« Je crois. »

Elle n'est pas sûre de grand chose, depuis qu'elle est enfant. Mais ça, pour le coup, Nagisa semble connaître. Quelques secondes de silence passent, et la cadette est quasiment certaine qu'elle entend son aînée soupirer de soulagement de l'autre bout du combiné, mais la biologiste finit par se convaincre que ce n'est rien d'autre que son imagination, d'autant plus que Nagisa reprend la parole, abordant un sujet plus compliqué.

« Fais gaffe, quand même, tu sais qu'elle discute avec les Douvier depuis...
- Depuis qu'elle s'est rendue compte qu'un incubateur vivant pouvait être utile. Si ce n'est pas à eux qu'elle tente de vendre mon utérus, ce sera à d'autres. »

Son ton claque presque. Et en même temps, elle n'a pas vraiment envie d'être douce et délicate avec ce sujet qui, elle le sait, ne tardera pas à montrer le bout de son nez dès lors qu'elle aura fini ses études, si ce n'est avant. Elle le redoute depuis l'adolescence, après tout ; déjà là, elle avait eu le droit à quelques rencontres qui l'avaient, pour la plupart, convaincu que relâcher Kaede sur eux ne serait pas une mauvaise idée. Mais maintenant qu'elle est ici, bien loin de tout ça, tout ce qui est lié aux affaires des Shimomuras n'est pas le bienvenue à ses oreilles : même quand sa sœur ne fait rien d'autre que s'inquiéter.
Sœur, qui, au passage, dispose d'un ton bien plus calme.

« Juste, c'est cool. Si tout se passe bien et que y'a pas de soucis, bah, profite, quoi.
- Hm-hm. »

Pour le coup, Natsume ne peut pas dire qu'elle ne croque pas la liberté à pleines dents : c'est comme faire une seconde adolescence, en réalité, sauf qu'elle ne le réalise pas totalement. Nagisa est plus lucide que sa sœur sur ce propos, mais elle ne préfère pas la brusquer, sur le coup. Elle sent bien à la voix de sa cadette que cette dernière va de mieux en mieux ; ce n'est largement plus la petite fille qu'elle avait abandonné il y a maintenant presque huit ans de cela. Ou, du moins, si c'est la même, elle a grandi et saurait maintenant dire à Namiko que sa cuisine est une abomination de la nourriture. Un progrès que Nagisa ne peut qu'applaudir, entre autres.
Toutefois, et au vu de son ton un peu goguenard, elle ne peut s'empêcher de recommencer à l'embêter comme elle le faisait avant. Maintenant que les choses vont mieux, c'est plus simple, après tout. L'air de rien, elle change de sujet.

« Ah, euh, et passe le bonjour à ton coloc, là. J'l'aime bien, l'est potable au moins.
- ... Depuis quand tu sais que.... ?! »

L'appel s'arrête tout net, juste après que Natsume ait entendu un rire gras et mesquin, typiquement la marque de fabrique de sa sœur qui sait déjà que sa cadette doit être morte d'embarras de l'autre côté du téléphone. En fixant le combiné avec un regard assassin qui n'attendra personne, Natsume se surprend à lever les yeux au ciel d'une manière tellement dramatique qu'on aurait pu croire qu'il y avait des spectateurs ; mais non, ce n'est qu'une manière comme une autre de se sentir un peu moins ridicule, avec ses joues empourprées et son envie de beugler. Comme si Nagisa en avait quelque chose à faire, de son copain actuel, même si elle était venue en Italie par le fait de sa présence. Dans un grommellement vexé et, un peu pour tenter d'oublier son ego blessé, elle détourne le regard et raccroche violemment.
Malgré elle, toutefois, elle se retrouve à glousser de tout ça quelques heures plus tard. Lorsqu'elle passe à côté de Kaede et que cette dernière l'entend, d'ailleurs, la dragonne se permet un petit sourire, puis un long ronronnement. Ce n'est pas le premier qu'elle entend, ni le premier sourire qu'elle aperçoit, mais elle a appris à les chérir, après tant d'années passées à les voir effacés, supprimés, cachés, sous un masque froid et honteux. Non, vraiment, depuis cinq ans, elle est plus que satisfaite ; le nœud dans le ventre de sa maîtresse a disparu.

-

« Tu vas prendre tes affaires, et partir. Une voiture viendra te chercher demain devant ta faculté, et tu y rentreras gentiment. Tu auras le temps de faire ce qu'il y a à faire. »

Sa poigne tremble. Natsume n'a pas entendu cette voix depuis des années, maintenant, mais elle n'avait jamais quittée ses cauchemars. Les premiers temps, il lui arrivait de craindre de la retrouver dans le salon un jour ou l'autre, et quelques unes de ses crises de panique les plus violentes avaient été centrées sur cette peur de voir le quotidien qu'elle avait péniblement réussi à construire s’effriter sur place.
Car c'est bien ce qui se passe, à l'instant. Natsume a l'impression qu'un tremblement de terre vient de la secouer, corps et âme. Sa poitrine a été secouée d'un coup net, ne laissant plus qu'un creux glacé qui ne tarde pas à s'étendre jusqu'à son ventre. Ses épaules crispées sont prises de frissons, et une nausée  épouvantable la prend en gorge. Respirer lui semble devenu compliqué ; lentes et hachées, ses inspirations sont aussi irrégulières que les tremblements qui secouent ses genoux. La terreur a toujours eu le don de lui faire perdre tous ses moyens, mais sur le moment, Natsume a l'impression de découvrir qu'elle ne les a jamais vraiment eu. Comme si la réalité était revenue la gifler, détruisant tout l'espoir qu'elle se faisait de ne plus être cette enfant terrifiée qu'elle avait tenté de laisser derrière elle. Réalité qui trouve bon de se faire entendre de nouveau, plus sévèrement, cette fois.

« Si tu te montres gentille, la suite sera plus simple. Je ne voudrais pas qu'il y ait des complications, et toi non plus, je crois. »

Le ton sucré de son aînée n'est rien d'autre qu'un crachat à peine déguisé. Natsume aimerait crier. Hurler, protester, beugler que ça ne se passera pas comme ça, que Namiko n'a aucun pouvoir ni contrôle sur elle. Toutefois, Natsume connait la vérité, malgré cette envie de se débattre, de grogner, de faire quelque chose. Les menaces sont assez claires comme ça, et  lui suffit d'imaginer une seule seconde ce qui pourrait bien arriver si elle les mettait à exécution pour qu'un frisson de dégoût et d'épouvante la traverse. Venant d'une femme qui avait déshérité son fils et fait assassiner sa propre fille, il n'y avait que peu de doutes à avoir. Des images passent dans son esprit, toutes plus  pessimistes les unes que les autres sur ce qui se produirait si jamais elle écoutait la petite voix dans sa tête qui lui murmure de chercher de l'aide, ou de cogiter pour trouver une solution d'urgence.

En silence, elle repose le combiné. Ses doigts ne parviennent plus à rester immobiles. Dans un moment de panique, elle jette un regard autour d'elle, comme si elle cherchait des silhouettes. Quelques secondes passent, lentes, presque morbides. Elle en vient à observer son environnement ; les nombreuses plantes dont elle s'occupait chaque jours, les affaires qui lui rappellent d'innombrables souvenirs agréables, et tous ces petits morceaux de vie dont la brève entrevue soulève légèrement sa poitrine de joie. Son œil se pose durant un instant sur une petite statuette de lézard, assez mal peinte et tout à fait quelconque, en somme, mais dont l'acquisition avait été faite sur un petit marché après une bonne journée, et dont la simple vision suffisait de temps à autre à lui tirer un début de sourire. Il y en avait d'autres, évidemment. Bien d'autres. Tout cela pourrait être balayé si jamais elle n'obtempère pas, du moins le pense-t-elle ; c'est merveilleux, ce que l'emprise et la terreur font imaginer, dans la panique et le sentiment d'oppression.

Alors elle souffle un coup, son exhalation nerveuse cachant tant bien que mal elle ne sait quoi. Si un bruit étouffé lui échappe, elle le ravale vite, bien entraînée à cela durant toute son enfance. Sans  même qu'elle ne le remarque, les mécanismes et les liens semblent être revenus d'un coup sec, plus forts encore qu'auparavant.
Kaede relève la tête, ses oreilles se relevant sous le fait de l'inquiétude. Dans un coin de la pièce, elle écoutait patiemment, mais sa nervosité grandit au fur et à mesure que les secondes passent, et elle se relève pour approcher la magicienne, ses gestes se faisant agités. Elle ne peut pas faire grand chose, toutefois, lorsque les genoux de cette dernière lâchent, hormis peut-être la garder contre elle. Kaede aimerait la voir persifler et se battre comme elle peut le faire d'ordinaire, mais elle sait bien que ce n'est pas aussi simple. Elle n'a pas le cœur de lui faire un reproche en la voyant hésiter, et trembler des genoux. Elle se contente d'espérer que les choses s'arrangeront vite. Peut-être qu'elle osera dire non, aussi. Kaede a bien du mal, toutefois, à ne pas ressentir un grand pessimisme.
La suite, malheureusement, lui donnera raison.

-

« Attends... Attends, mais quand t'es partie, t'étais déjà... ? Comment tu as pu ne pas t'en rendre compte... ?! Bon sang, Natsume !
- Mais je n'en sais rien, Nagisa ! Je n'en sais rien, qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! Que je m'excuse pour quelque chose que je n'ai pas voulu ?! »

La quasi hystérie dans la voix de la cadette la fait grimacer. Nagisa n'aurait pas cru que si elle revoyait effectivement sa sœur, ce serait au fin fond d'une forêt de Normandie, dans une petite maison franchement étroite et tellement oubliable qu'elle aurait pu croire qu'il s'agissait d'un élément de décor. La bâtisse est habitable, largement, mais Nagisa se doute que c'est davantage ce qu'elle représente qui met Natsume mal à l'aise ; ce n'est ni plus ni moins qu'une cellule décorée, ou une chambre isolée, maintenant que la jeune femme n'a plus d'usage.  Nagisa se doutait bien, qu'après son exil forcé, bien loin de son ancien foyer et de ses études abandonnées, de nouveau dans le contrôle de Namiko, la plus jeune des Shimomuras n'allait certainement pas aller « bien ». En venant ici, l'aînée savait qu'elle allait être confrontée à la réalité des choses.
Elle s'attendait pas à ce que la réalité des choses soit un pareil diagnostique.

« Cinq mois ! Cinq mois, et rien ? Pas le moindre symptôme ? Tu ne le savais pas, en partant ?!
- J'ai toujours été malade, de toute façon. Quoi, tu veux que je t'explique les détails d'un déni de grossesse, là, tout de suite ?! »

L'énonciation du mot fatidique fait se crisper Nagisa d'un coup. C'est une chose de voir quelques mots sur un papier ; c'en est une autre de l'entendre la bouche de sa sœur. De sa petite sœur de vingt-trois ans, avec ses traits anguleux et son incapacité totale à ne pas laisser une fourchette dans un micro-ondes. De sa petite sœur avec un fœtus dans le ventre. L'information a beaucoup de mal à passer. Quelque chose panique, au fond d'elle-même. Mais sa panique, et Nagisa le réalise peu à peu, n'est qu'un centième de celle que vit actuellement sa cadette.
Livide est un bon mot pour décrire son état actuel. Si quelques kilos ont commencé à apparaître, la brune n'a pas l'impression que sa minceur actuelle soit une bonne chose. Malgré son air furieux et ses yeux durs, ou même la manière qu'elle a de tenir son regard avec une telle fermeté que Nagisa en est quelque peu soufflée, Natsume a l'air malade. Fatiguée, et profondément malade ; ses vomissements réguliers et ses vertiges ne sont visiblement pas les fruits d'un simple petit rhume.
Maladroitement, elle tente une approche, la voix plus faible et lente.

« Écoute, Natsume, je... »

Sans doute ne savait-elle même pas ce qu'elle comptait dire exactement. Elle voulait juste essayer de faire un geste, consciente, au fond, qu'il n'était pas anormal que sa cadette réagisse ainsi. Elle n'a pas le temps de continuer, toutefois.

« Fous-moi le camp. »

Le ton sec et froid qui lui répond la surprend tant qu'elle cligne des yeux, un peu ébahie, sa bouche s'ouvrant sous le coup du choc. Les sourcils froncés, les traits crispés et durs, Natsume lui adresse son regard le plus noir, tentant avec un pathétisme certain de faire oublier ses yeux rougis.

« Fous-moi le camp, je te dis !

Nagisa ne l'aurait pas cru non plus, si on lui avait dit que quitter ce quasi-mouroir lui aurait fait aussi mal.

Natsume Shimomura
Natsume Shimomura

Profil


Espèce
: Magicienne

Familier
: Kaede, une dragonne verte

Situation
: Aime les geckos et les bégonias
Professeure Jardinière
Professeure
Jardinière
Messages : 18
Points : 5
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyJeu 20 Sep - 22:13
Histoire

Cette fois-ci, c'était pire. Il n'avait fallu qu'une dizaine de petites minutes pour que les hurlements commencent.

« Fous-moi la paix. Tu as l'habitude, en plus, qu'est-ce que ça change ?! »

Nagisa avait tenté. Elle avait vraiment, vraiment tenté. Après son échec de la dernière fois, pourtant, elle s'était dit qu'elle ferait mieux de ne pas se mêler de ça, car de toute façon, elle ne serait pas écoutée, et elle n'était même pas sûre d'être totalement légitime à la base. Elle s'était contentée des coups de fil et des messages, mais petit à petit, au fur et à mesure des mois qui passaient, elle avait bien fini par remarquer que la santé mentale de sa sœur se dégradait dangereusement. Alors, les derniers jours, elle avait refusé de  quitter la maison ; quitte à ce que cette dernière persifle alors que les contractions ont commencé depuis deux heures maintenant. Elle râle, se plaint, pleurniche depuis ce moment-là, et pour être honnête, Nagisa perd un peu patience. En claquant de la langue, elle adresse à sa cadette un regard sévère et fatiguée. Cette dernière le fixe avec ce même air venimeux, cette même courbe de son corps qui tente de lui donner l'air plus imposante qu'elle ne l'est vraiment, ces mêmes yeux rougis par une envie de pleurer en permanence réprimée. Nagisa est peinée ; mais elle n'a plus le temps, ni le calme nécessaire pour continuer de le prendre avec des pincettes. Depuis qu'elle est revenue d'Italie, après tout, elle n'écoute plus rien, et Nagisa n'a jamais aimé tourner autour du pot avec les cas désespérés. Qu'elle veuille s'isoler, soit. Qu'elle ait trop peur de contacter le père, soit. Mais hors de question qu'elle la laisse maintenant, totuefois. Cette imbécile peut bien croire qu'elle la laisserait accoucher seule dans une forêt paumée au beau milieu d'une tempête de neige, mais Nagisa n'a aucune envie de céder à son caprice.

« Ça change que j'ai envie d'être un peu là dans ta vie, imbécile ! »

La réplique a au moins le mérite de couper le souffle à la cadette. Cette dernière écarquille les yeux, visiblement prise par surprise. En même temps, ce n'est pas étonnant : ce genre de choses, elle ne l'a pas souvent entendu, et Nagisa en est la première désolée. Peut-être que certaines choses auraient pu être évitées, si elle le lui avait dit plus tôt, au lieu de ravaler sa rancune et sa jalousie quant à l'attention que lui offrait leur mère lorsqu'elles étaient petites. Mais sur le moment, elle n'a pas envie d'être malhonnête. Pas lorsqu'elle voit sa cadette mise dans cet état, rongée par les doutes, l'angoisse, et d'autres démons qui ne sont plus traités, maintenant. Une cadette qui ne va pas tarder à donner naissance, mais qui semble être à bout, tant physiquement que mentalement. Une cadette que Nagisa a envie d'aider ; si seulement elle veut bien l'accepter, et c'est là tout le nœud du problème. Souvent, l'aînée se dit, sans oser se l'avouer, qu'elle n'a peut-être pas tant envie de rester en vie que cela.
Le choc lui fait encore quelque chose, au moins. À demie couchée sur quelque chose qui ressemble vaguement à un canapé (quand tout cela sera fini, Nagisa se promet d'ailleurs d'aller au moins un peu meubler pour ça, car cette maison ressemble bien trop à une cabane de film d'horreur), elle renifle bruyamment. Rageusement, elle efface des larmes qui n'ont de cesse d'être retenues depuis ces derniers mois, par un barrage qui craquelle sous les yeux lassés de sa sœur aînée. Sa voix, toutefois, tressaute mollement, dans des aigus qui laissent transparaître un désespoir qu'elle ne prend plus la peine de dissimuler.

« Elle n'est pas à moi, ma vie. Je croyais... Je croyais que je l'avais, que ça irait, que j'allais pouvoir faire ce que je voulais mais non, non, je ne peux pas ! Je ne pourrai jamais, tu comprends, ça ?! »

Elle crie, maintenant. Sa voix se brise, ses épaules se resserrent, ses genoux tremblent, et elle ne s'arrache pas des cheveux en les tenant que grâce à la poigne ferme des mains de sa sœur sur ses poignets, qui se rend malgré tout bien des comptes des risques qu'elle prend à agir ainsi. Les larmes coulent, et avec elles, de lourds, très lourds sanglots viennent faire sursauter le corps épuisé de la jeune femme. Ses yeux cernés et presque vitreux laissent aller tant de pleurs que Nagisa n'est pas sûre qu'elle parlera, après ça, mais de sa bouche sortent des paroles hachées, qui semblent pourtant vouloir s'échapper.

« J-je ne décide de rien. Rien du tout. Il n'y a qu'une seule chose dont je pourrais décider, e-et c'est...»

Son regard se détourne juste une seconde. Elle ne semble pas en mesure de l'énoncer à haute voix, mais le sang de Nagisa se glace immédiatement. Elle n'a pas besoin d'en entendre trop pour saisir ; elle les a lu, après tout, les rapports des analyses psychiatriques d'il y a une dizaine d'années, pour savoir ce à quoi sa sœur cadette pourrait faire allusion. Assez durement, et avant tout car elle sent ses nerfs échauffés par la panique, elle reprend la parole.

« Quoi ? Tu vas faire quoi, Natsume ? T'es capable de le dire ? »

Silence. C'est presque comme si l'aînée n'avait pas parlé, puisque ses propos ne tirent rien d'autre qu'une brève grimace chez son interlocutrice. Nagisa, toutefois, en a quelque peu marre d'attendre que l'autre se décide à parler, ou de lui laisser sa zone de confort. Maintenant n'est pas vraiment le temps pour ça. En fronçant les sourcils, elle continue avec le ton haussé, sa voix s'enrouant presque.

« De toute façon, avec le lardon que t'as dans le bide, tu crois vraiment que c'est ta meilleure idée ? »

De nouveau, Nagisa se heurte à un mur. Un mur d'apathie, de froideur et de désintérêt simulés qui exaspèrent au plus haut point la brune ; car elle en a tout simplement marre de s'y heurter à chaque fois, ou de voir la cadette s'y cacher dès lors que la peur vient la saisir. Dans un réflexe instinctif de défense, elle s'y est cachée, et c'est ce même réflexe qui lui fait serrer les dents, grommelant presque alors qu'elle réplique avec acidité, sa voix montant également d'un ton. Nagisa n'est pas dupe, toutefois : elle ne fait ça que pour affirmer à sa sœur quelque chose qu'elle ne comprend elle-même pas.

« Tu ne comprends rien, de toute façon ! Je n'en veux pas, de ce, je... Je ne veux pas ! »

Son exclamation semble désespérée. Natsume parait terrifiée. Elle l'est, après tout. Nagisa en a connaissance depuis un moment ; elle aurait juste aimé que sa sœur lui en parle avant. Intransigeante, car elle ne peut et ne sait pas procéder autrement, ne peut pas ne pas être peinée de rejeter ainsi son aveu malheureux.

« Que tu le veuilles ou pas, il va falloir que tu accouches, c'est trop tard pour faire marche arrière. »

Elle parle sûrement pour rien. Natsume la connait mieux qu'elle, cette vérité. Nagisa s'accroupit un peu, parlant plus lentement, plus distinctement. Son regard est sérieux, droit, inflexible. Pendant une seconde, la cadette cesse de sangloter, toujours tendue, mais presque attentive. Dehors, le vent souffle si fort que les fenêtres en viennent à trembler.

« Tu vas serrer les dents, et tu vas me le sortir, ce chiard. Pleure autant que tu veux après, fais ta crise, mais on va dépasser ça. »

Doucement, pour éviter un rejet violent si jamais cela en arrivait là, elle laisse sa main remonter vers celle de sa sœur, qu'elle serre avec une douce fermeté qui, pendant une seconde, rappelle presque Milla à la cadette. Durant ces moments, Natsume a la sensation de la voir, juste une seconde, dans le regard noir de son aînée.

« Natsume, écoute-moi bien. Je reste là. Je serai toujours là, c'est promis. Je ne repartirai pas. »

La gorge de l'interpellée se sèche. Ses yeux d'humidifient une nouvelle fois, mais ce ni le fait de douleur, ni de la colère, cette fois. En les voyant, Nagisa aimerait s'excuser, mais elle ne veut pas dériver le sujet sur son petit ego. Devant le silence muet et sonné de Natsume, elle continue, une lueur déterminée dans les yeux. Sa prise se serre un peu sur sa main.

« Gamin ou pas gamin dans le bide, je m'en fous, moi. Si tu crois une seule seconde que je vais te laisser faire une putain d'hémorragie dans cette baraque de merde après tout ça, tu te plantes le couteau dans l’œil. »

Il y a un silence de quelques secondes, après ça. Au début, Nagisa s'attend à ce qu'il continue. Puis, soudainement, la voix neutre de la cadette résonne dans la petite pièce dénudée.

« C'est pas ça. »

Étonnée, Nagisa plisse les yeux. Sa voix laisse transparaître une vraie interrogation, et une peur froide, au fond de sa poitrine, d'avoir encore échoué à renouer un lien un tant soit peu sincère. Son cœur rate un battement, et elle balbutie presque avant de reprendre la parole.

« Pas ça quoi ?
- L'expression. C'est « le doigt dans l’œil. »

La peur descend aussi vite qu'elle est montée, laissant derrière elle une vague froide et désagréable dont elle a un peu de mal à se débarrasser tout de suite. Si elle se serait bien énervée en temps normal, ce sont les gloussements de plus en plus bruyants de Natsume qui lui font relever la tête. Gentiment, elle tapote son crâne pour l'inciter à se taire, le regard agacé, quoique le bout de ses lèvres se tord en une inclinaison rieuse.

« Oh, ferme-là.
- J'aimerais bien. »

Et vu la difficulté que fut l'accouchement de Kaden, elle ne mentait pas.

-

« C'est vrai que c'est laid, à la naissance. »

Les mots s'échappent difficilement de la gorge sèche de la jeune mère, son regard marron fatigué se posant distraitement sur le bébé qui, après des heures de lutte, a enfin pleuré pour la première fois il y a vingt minutes à peine. Après presque une journée de bataille, elle n'a pas vraiment envie de se réjouir de sa victoire, et ne résiste à l'envie de s'endormir que par la douleur qu'elle ressent encore et les effets secondaires de l'adrénaline dans ses veines. Son regard, toutefois, est toujours posé sur l'enfant que sa sœur a posé dans ses bras il y a quelques secondes. Plissant les yeux, elle semble plongée dans une profonde torpeur, comme si elle était encore incapable de réaliser ce qui s'est passé, ou que l'être mince dans ses mains a bien vécu en elle pendant neuf mois. Sonnée, elle ne réalise même pas que sa sœur se rapproche d'elle, jetant un coup d’œil affectueux au bébé geignard qu'elles viennent de découvrir.

« Bah oui, c'est moche, les petits, hein, mais pour tout ce mal, c'est vrai que question résultat... C'est qu'il a déjà des cheveux, en plus. »

Gloussant toute seule, ce que Natsume ne comprit visiblement pas, au vu de ses clignements d'yeux, Nagisa passa une main distraite sur les cheveux du jeune Kaden. Il n'avait pas encore de nom à ce moment-là, à vrai dire, ou pas un qu'elle connaissait. Sa génitrice avait marmonné, lorsque Nagisa avait posé la question, qu'elle aurait bien le temps de trouver, alors elle avait évité de poser trop de questions. Pour être honnête, Nagisa ne sait pas trop ce qui passe par la tête de sa sœur, actuellement. Depuis sa crise, elle semble plus apathique, plus calme. Elle fixe le petit avec une expression neutre, illisible, devenue silencieuse et pensive.
Nagisa ne pose pas de questions. Elle n'est pas sûre d'obtenir une réponse, de toute manière.

-

« Kaden, tu ne dors toujours pas... ? »

Si elle avait fait un peu attention, elle aurait remarqué que sa voix sonnait un peu fatiguée, comme si la présence de l'enfant en face d'elle lui tirait une certaine exaspération. Ce n'est pas entièrement faux, en un sens. Après avoir passé une journée entière à le gérer, lui qui ne cesse de courir partout et de poser mille questions, pour finalement se retrouver à faire tous les papiers qu'elle n'a pas eu le temps de remplir depuis le petit-matin, Natsume espérait peut-être un peu de calme.
Elle n'en a pas eu beaucoup, en cinq ans. Pour s'occuper, et également pour subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de son fils, elle avait entrepris d'ouvrir un élevage de créatures magiques en profitant de ses diplômes d'il y a quelques années. Sans surprises, l'éducation d'un enfant et la gestion de tout un élevage à la seule force de ses deux bras lui laissait très peu de temps, ces dernières années. Les loisirs n'étaient pas vraiment la première des priorités, mais elle s'en est plus ou moins bien accommodée, car dans les faits, elle n'avait pas des masses de choix non plus. Toutefois, les nuits étaient des moments de calme relatif. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir souvent dormi plus de six heures, en cinq ans, exceptée les fois où Nagisa venait s'occuper de son neveu pour éviter que sa mère ne « finisse par arracher les yeux du pauvre facteur ».

Comme n'importe quel enfant, Kaden est souvent demandeur d'attention. Natsume pensait naïvement, n'ayant jamais eu de cadet, que ce phénomène s'affaiblirait un peu avec le temps ; bien au contraire. Aussi curieux et explorateur que soit le jeune Shimomura, il a bien du mal à quitter sa génitrice qui, bien souvent, est rendue confuse face à son comportement. Curieuse, elle cligne des yeux, dévisageant Kaden alors que ce dernier n'attend pas pour venir monter sur ses genoux, grimpant péniblement en s'accrochant aux bords de son bureau. L'enfant se colle docilement contre son ventre et sa poitrine, cherchant un réconfort que sa mère ne lui donne pas tout de suite, bien incapable de reconnaître ce qu'il veut. Ses grands yeux ambrés vont chercher les siens, et il geint d'un air presque implorant.

« Y'a du bruit dans les murs, maman.
- Du bruit dans les murs... ? »

L'ancienne scientifique fronce les sourcils, quelque peu incertaine quant à la véracité de cette information. Il est vrai que le leur lieu de vie n'est pas particulièrement, eh bien, moderne, en un sens. Si les choses s'améliorent d'année en année, il est très fréquent qu'il faille réparer à peu près tout, mais Natsume a des doutes. Ce n'est pas la première fois que des petits « problèmes » de ce genre sont soulevés par l'enfant, alors que sa génitrice ne les retrouve jamais au petit matin. Ou du moins, pas dans la démesure que mentionne Kaden. Perplexe, elle laisse l'enfant attraper ses mains et les placer dans ses cheveux ainsi que dans son dos, tandis qu'il clôt ses yeux. Natsume n'est pas sûre de pouvoir travailler, avec son fils positionné ainsi. Un peu embêtée, et de plus en plus confuse, elle plisse les yeux.

« Tu es sûr que tu n'as pas plutôt envie d'éviter de dormir ? »
Donne-les moi, tes heures de sommeil.


Elle serait capable de comprendre, si ce n'était que ça. Oh, il était bien du genre à faire du cinéma pour ne pas se coucher, en outre, mais clairement, elle avait de plus en plus de doutes quant à la raison qui pouvait pousser Kaden à venir faire la même scène tous les jours. Elle est pourtant évidente, mais reste un mystère entier à celle qui  n'a jamais vraiment côtoyé d'enfant, et qui a du s'improviser parent du jour au lendemain, sans avoir eu la moindre réflexion sur ce sujet auparavant, ou même l'avoir désiré.
Elle se surprend, toutefois, à sentir quelque chose de chaud dans sa poitrine en voyant le garçonnet  se lover davantage, répondant comme il le peut d'une petite voix ensommeillée. Il doit sans doute être épuisé, en outre. Pourquoi diable se lèverait-il si il ne demande qu'à rejoindre les bras de Morphée... ?

« Non. Non, je veux bien dormir, là. J'aime bien dormir sur toi. »

En hochant de la tête, elle fait signe qu'elle a compris, même si ce n'est pas vraiment le cas. Natsume n'a jamais vraiment su se positionner par rapport à Kaden. Elle le nourrit, le soigne, s'en occupe, s'assure que son enfance solitaire ne soit pas d'un trop gros ennui, mais elle serait totalement incapable de dire si oui ou non elle se considère comme un parent. En y pensant, elle se dit d'ailleurs que ce n'est probablement pas ça, à la vue de toutes les erreurs qu'elle fait. Après tout, à la naissance, elle n'avait même pas ressenti d'affection particulière pour le petit ; la première année, elle l'avait passée à broyer du noir, fatiguée tant mentalement que physiquement. Natsume aimerait dire sans honte qu'elle aime son fils, mais la sensation qu'elle est illégitime à le faire la pourchasse sans cesse. Après tout, même si elle le dit, est-ce qu'elle agit suffisamment bien pour pouvoir se permettre cette affirmation... ? Déjà là, elle se rend bien compte que quelque chose est étrange, mais elle n'est pas capable de comprendre quoi.

Natsume n'arrive pas à saisir cette notion pourtant désespérément simple, alors qu'elle est si évidente que c'en est insultant ; son fils a besoin de son attention, de sa reconnaissance et de ses paroles. Ce n'est pas tant un problème lorsqu'il est jeune. Ce le sera plus tard.

-

« Oh, mais qu'il a grandi ! Quel âge tu as maintenant, Kaden ?
- Huit ans ! »

L'enfant sourit fièrement, heureux de montrer ses petites dents de lapin par la même occasion. Il semble surexcité ; il l'est, d'ailleurs. Cela fait quatre ou cinq jours qu'il ne cesse de casser les pieds de sa mère en lui parlant de cette visite à toutes les sauces. Du matin, où il avale très lentement son petit-déjeuner avant d'aller commencer ses révisions jusqu'à ce que Natsume ne le rejoigne pour reprendre le tout, au soir où il s'en va jouer dans les champs pour se défouler de toute l'énergie accumulée, Kaden ne cesse d'en parler. Et honnêtement, Natsume n'est pas mise d'une très bonne humeur par ce fait.
Il semble radieux, pourtant. Rien d'étonnant à ça, dans le sens où chaque visite lui plait énormément. Les arrivées de Nagisa ou d'Isaac le mettent d'une excellente humeur, mais celles-ci sont différentes. Malheureusement pour Natsume, ce n'est pas l'un des rares voisins qu'ils peuvent avoir qui leur rend visite.

« Maman, tu veux pas faire la tarte avec mamie et moi... ? »

Au début, elle se disait bien naïvement qu'il ne pouvait pas y avoir pire que de vivre ainsi, cloîtrée dans un coin, sous la main de fer de Namiko. Puis, après la naissance de Kaden, il y avait eu le fait de devoir supporter sa visite mensuelle, et là, Natsume avait véritablement compris qu'elle ne relâcherait probablement jamais rien. Chaque mois, la Shimomura passe le temps à redouter son arrivée, à sentir le dégoût la traverser en lisant ses courriers dirigés à son fils, ou même juste en entendant ce dernier en parler dans des termes particulièrement flatteurs. Car Kaden aime son arrière grand-mère, sûrement autant que Natsume au même âge. C'est bien là le problème.
Elle peut la voir, doucement, subtilement, s'immiscer dans leur vie. Le couvrir d'attention, de cadeaux, de compliments, tout faire pour montrer l'image la plus positive de sa personne et ainsi tranquillement s'inscrire une place de choix dans le vie d'un enfant qu'elle aurait sûrement préféré ne pas voir naître, au fond. L'éleveuse se demande, des fois, si la vieille femme ne tente pas une nouvelle fois de trouver un bon héritier aux Shimomuras, quand bien même sa naissance est particulièrement problématique pour ce cas de figure, et fait naïvement espérer à Natsume qu'elle ne pourra rien faire. Mais les faits s'accumulent, et la crainte qui lui passe dans les veines n'est pas le fruit d'une simple paranoïa, elle en est sûre.

Souvent, quand Natsume voit Namiko se complaire dans son petit jeu de mamie gâteau à la voix sucrée et aux mots gentils, elle ne résiste que difficilement au désir d'exploser et d'éloigner violemment son fils des mains de la vieille femme. Un violent sentiment protecteur la prend aux tripes. Elle ne supporte pas l'idée de voir un jour son enfant malheureux par le fait de cette vieille carne. Sans avoir désiré être parente, du moins certainement pas dans ces conditions, elle ne peut pas nier cette envie vivace de lui permettre de bien vivre.
Mais, quasiment instinctivement, Natsume le refoule. Car déjà, la peur lui vrille tout le corps ; que diable se passerait-il, si il elle faisait cela... ? Ce n'est pas comme si elle pourrait espérer gagner si jamais Namiko tentait de lui prendre la garde du petit, elle le sait bien : il est déjà arrivé qu'elle utilise son passif psychiatrique pour la menacer si jamais elle se montrait trop réticente. Entre une femme bien placée et à l'apparence intacte, et une mère célibataire aux lourds antécédents psychologiques, Natsume n'est pas très optimiste sur le résultat ; et encore, c'est l'hypothèse la plus « légère » qu'elle ait en tête. Les autres invoquent des circonstances bien plus dangereuses.
Pendant une seconde, pourtant, Natsume revoit dans ce visage rond et joyeux celui d'une petite fille qui, à peine plus vieille, se réfugiait dans les jambes de cette même Namiko par simple désir d'être aimée, dans sa famille. Elle se souvient assez bien de ce qui lui est arrivé par la suite, et quand les deux visages se superposent, une violente nausée la prend à la gorge. Sans remarquer elle-même que son ton est devenu sec, elle fronce les sourcils, plisse les yeux, et fixe son fils avec une sévérité trop forte ; mais encore faudrait-il qu'elle sache maîtriser ses expressions.

« Non, Kaden. Aujourd'hui, tu dois terminer tes exercices, d'ailleurs.
- Mais... Mais maman ! »

L'excuse rencontre une interrogation totale. Kaden lui jette un regard confus, ne saisissant rien à ce choix incompréhensible à ses yeux. Cela lui semble totalement arbitraire, et sur le moment, Natsume se crispe. Elle se rend compte, trop tard, que sa voix froide était peut-être trop froide, et que son visage était sûrement bien trop apathique également. Trop tard pour faire marche arrière, toutefois, car déjà, l'enfant semble être blessé. Son regard s'abaisse d'un coup, et, tandis qu'une lueur coléreuse et peinée passe dans ses yeux, il marmonne des mots incompréhensibles dans sa barbe inexistante. Natsume n'ira clairement pas lui reprocher d'être insolent. Ce n'est pas comme si son éducation avait été stricte, par ailleurs, bien au contraire. Mais lorsqu'il s'agit de montrer son empathie, elle semble en difficulté.
Kaden prend le refus avec rudesse. C'est à ce moment-là que Namiko reprend la parole d'un ton mielleux.

« Allons, nous aurons le temps de cuisiner après. Je peux bien t'aider à faire tes exercices, après tout, n'est-ce pas ? »

Son attention n'est pas portée vers son arrière petit-fils, mais bien vers sa petit-fille. La provocation est relativement claire pour cette dernière. Leurs regards se croisent, et si Natsume hésiterait presque à lui lancer le plus venimeux qu'elle possède, un rapide coup d’œil vers Kaden lui rappelle la réalité des faits. Ce dernier les observe en silence, l'air rancunier.
Alors, docilement, elle baisse le regard, et hoche de la tête en silence. Au fond de sa poitrine, toutefois, quelque chose commence à bouillonner.

-

« De toute façon, t'as pas envie que j'sois heureux ! »

Le cri résonne fortement dans les murs de la petite maison. Ce n'est qu'une crise d'adolescent. Ce ne devrait être, du moins, qu'une crise d'adolescent. Natsume ne saurait parler des crises des autres, vu le chaos total que fut la sienne, mais toutefois, elle ne peut pas dire qu'elle prend bien ce que son fils, du haut de ses treize ans, vient de lui hurler au visage.
La panique avait pris le relais. Déjà ces dernières années, Natsume pouvait voir le désir et la curiosité que Namiko instaurait en Kaden lorsqu'il lui parlait du pays natale d'une petite partie de ses ancêtres. C'était un rien, des anecdotes, des recettes de cuisine, des objets rapportés. Tout un ensemble de petits riens qui, accumulés, avaient fait naître en lui une envie toute naturelle de voir si tout cela était vrai, ou juste de découvrir. Lorsque cela n'était qu'à l'état de discussions, la Shimomura ne disait rien, car elle se doutait que la moindre mauvaise réaction de sa part serait prise comme une crise de jalousie, ou de rabat-joie. Puis, peu à peu, Namiko s'était mise à parler des Shimomuras, insinuant qu'ils seraient ravi le petit dernier de la branche principale ; des paroles qui avaient fait glousser grassement Natsume, quand elle se rappelait du traitement auquel sa sœur et elle-même avaient eu droit. Mais déjà là, l'éleveuse se doutait d'où cela mènerait. Et elle ne le veut pas. Alors elle l'avait dit.

S'énerver contre Namiko était une chose, même si cela faisait des années qu'elle n'avait plus levé la voix. Manquer de perdre le contrôle en était une autre ; à ce moment-là, le jeune adolescent était intervenu, de crainte, sûrement, que sa mère ne blesse son arrière grand-mère. Cette notion portait à rire, pour le coup. Mais sur le moment, Natsume lui avait répondu que c'était non, un point c'est tout, et qu'il devait s'éloigner. Il s'était exécuté, mais le sujet était revenu au soir même. Sur ce coup-là, elle s'attendait à des résistances, à des protestations.

Mais le cri de Kaden est tout autre chose. C'est une gifle, voir presque un coup de poing. Natsume a l'impression que quelque chose lacère sa poitrine, car elle brûle. Cela fait longtemps qu'elle n'a pas ressenti quelque chose d'aussi intense, et elle aimerait tout à coup revenir à une apathie généralisée, alors même qu'elle hait cet état de tout son être. Elle aimerait protester que non. Elle aimerait dire que la seule chose qui l'empêche d'envoyer tout brûler, au delà de la peur, se trouve en face d'elle. Que jamais elle ne tenterait de faire du mal à ce qu'elle s'est efforcée d'élever et protéger pendant treize ans, et qu'elle serait prête à faire ce qu'il faut si jamais il venait lui avouer des erreurs.
Ce qu'il lui avoue, toutefois, veut dire bien plus que ça. Natsume se demande quand, exactement, est-ce que Kaden a pu commencer à penser ça. Ce qui a bien pu conforter cette idée, et la laisser s'enraciner suffisamment pour qu'il la hurle ainsi, même si ce n'est que sur le coup de la colère. La réponse est d'autant plus terrifiante : elle n'en a aucune idée, et elle a comme l'impression que cela fait un moment qu'elle ne remarque plus rien, si elle a déjà remarqué quelque chose.

C'est comme si il y avait un mur. Elle ne sait pas si il est là depuis longtemps ou non. Mais ce jour-là, Natsume le voit. Désemparée, blessée et franchement dépassée, elle en vient à réagir de la pire des manières.

« Pense ce que tu veux. Mais jusqu'à ce que tu ne sois plus sous ma responsabilité, tu n'iras pas là-bas. »

C'était une erreur. Un mauvais comportement, clairement. Elle s'en excusera longtemps, de ce ton impérieux et autoritaire, mais c'est trop tard. Le mal est fait ; elle peut presque entendre le cœur de l'adolescent se briser alors que ses yeux s'écarquillent puis s'humidifient sous le coup du choc. Elle n'a pas le temps de le retenir, d'ailleurs. Il s'enfuit brusquement, ne laissant derrière lui que le bruit de la porte de sa chambre claquant violemment lorsqu'elle se referme.
Pendant quelques secondes, il n'y a qu'un silence, vaguement dérangé par les reniflements de Kaden qui s'entendent jusqu'au salon. Natsume n'a pas besoin de se retourner pour savoir que Namiko sourit, à ce moment-là.

-

« Dis, tu ne crois pas que tu devrais lui dire... Certaines choses, je veux dire ? Il va bientôt avoir quinze ans, tout de même, et vu comment se comporte Namiko en ce moment... »

Natsume jette un coup d’œil froid à son beau-frère, qui travaille à dépiauter des haricots fraîchement cueillis lors de sa visite. Elle l'aime bien, Isaac. Sans l'adorer, sa compagnie est tolérable et il est un conjoint attentionné et bienveillant pour sa sœur, alors elle n'a rien à lui reprocher de particulier. Et en soi, il est un bon père pour les neveux de l'éleveuse, donc... Mais dans les faits, en parlant d'enfant, c'est bien l'un des rares qu'elle écoute à ce sujet, au vu de la petite admiration qu'elle ressent et dissimule bien difficilement. Toutefois, ces temps-ci, Natsume n'a pas vraiment envie d'écouter.

« De quoi ? "Ah oui, Kaden, mon chou, excuse-moi de te déranger dans ton nettoyage de crottin, mais ta grand-mère que tu adores et qui te couvre d'attention est une sociopathe réactionnaire qui a ruiné ma vie, m'a forcé à quitter ton père sans rien lui dire et à couper le contact, m'a laissé dépérir ici et a hâte que tu sois assez vieux pour lui servir de joujou à ton tour ?" »

L'énonciation lui est un peu difficile, mais au moins, elle y arrive, maintenant. En vingt-cinq ans, en même temps, son français a eu le temps de progresser. Le dire, elle y arrive, maintenant, même si son ton un peu sec est à peine caché par le dramatisme qu'elle donne à sa voix. Le quarantenaire grimace un peu.

« Bah, ouais, en fait. Je crois pas que tu le protégeras de quoi que ce soit en le laissant dans le silence, bien au contraire. »

Elle ne le contredit pas, et pour être honnête, elle espérait qu'il ne parlerait pas. Car au fond, elle le sait, qu'il a raison. Elle le sait depuis un moment maintenant. La bulle lui semble juste impossible à éclater, après des années de mensonge, et le "quand" parfait n'arrive jamais. Elle n'est pas sûre d'être assez proche avec lui, de toute façon, pour que son fils le croit. Une idée pour se rapprocher et s'éloigner un peu de cette espèce de mouroir lui passe bien par la tête, mais sur le moment, elle est encore incertaine, et n'ose pas l'exprimer. Alors, en silence et de son air le plus hautain possible, elle déverse une énorme quantité de haricots dans le bol d'Isaac, et quitte la pièce, le laissant seul avec son ouvrage interminable. Vaguement, elle entend une protestation au loin.

« N-non mais... J'disais juste ça comme ça moi !»

Et comme d'habitude, elle n'écoute pas.

-

« Je... Je crois que je ne suis pas heureuse. »
- Oh. Vraiment ? »

Sa sœur aînée hausse les sourcils au même moment que Kaede. Depuis que Kaden est parti à l'école, les deux autres ont davantage l'habitude d'entendre Natsume essayer de penser concrètement à de vrais soucis, mais pour le coup, cet « aveu » a quelque chose de ridicule. L'éleveuse doit s'en douter, en outre, car elle lève les yeux au ciel, presque vexée par cette réponse qu'elle aurait aimé plus empathique, sûrement. Heureusement pour son ego, toutefois, Nagisa reprend la parole

« Quand t'as envoyé ta candidature là-bas, j'étais sûre que c'était plus ou moins admis, hein. »

Elle avait eu l'air surprise, pourtant, et Natsume s'en rappelle bien. Elle-même avait un peu agi par impulsion, en envoyant son dossier lors de la campagne de recrutement engagée par Sainte-Catherine. Elle n'en avait même pas parlé à Kaden, d'ailleurs. Elle ne s'était pas offusquée de ne pas avoir été prise, puisque son engagement professoral datait maintenant de ses vacations données en début de thèse. Toutefois, comme le précédent titulaire s'était apparemment désisté, voilà que le choix était tombé sur elle, probablement par hasard. Mais Natsume n'aurait pas été capable de donner un sens à son acte à ce moment précis ; c'est bien pour ça que la réponse exaspérée de Nagisa l'agace autant, étant donné qu'elle n'a jamais aimé qu'on lise en elle.
Mais oui, d'un autre côté, l'éleveuse n'a plus très envie de se voiler la face sur ce sujet-là. Depuis la fameuse dispute d'il y a trois ans, sa relation avec son fils, sans se briser, lui semble emplie de non-dits et de petites tensions. En outre, une rancune profonde, et une colère longuement enterrée, l'ont fait s'agiter à un tel point qu'elle a bien fini par remarquer que quelque chose clochait. Natsume a pris seize ans à comprendre que quelque chose clochait, et il faudra sûrement quelques années de plus pour que quoi que ce soit ne s'arrange. Dans le contexte actuel, de toute façon, elle n'y croit pas : tout au plus peut-elle se raccrocher à l'idée qu'elle ne nie plus, maintenant.

Nagisa, de son côté, paraît perplexe.

« Tu veux tenter de te rapprocher du môme, et... ? Quoi, retenter des études ? »

Inconsciemment, elle s'était lancée dans cette idée en se disant que c'était juste pour voir. Elle sait bien, pourtant, que c'est plus complexe que ça. Mais elle ne se sent pas d'y réfléchir, ou même de l'avouer aujourd'hui. Elle est surtout reconnaissante à sa sœur d'avoir accepté de reprendre l'élevage durant son « absence », alors elle tente de ne pas la surcharger davantage.

« … Je ne sais pas vraiment. Je suppose que je n'ai plus grand chose à perdre.
- Oh, sérieux, le drama, là... »

Nagisa soupire, exaspérée, et en fait ironiquement elle-même des caisses pour faire rire sa cadette. Cela fonctionne, pourtant, car Natsume se permet un rictus un peu jaune. Elle n'est pas entièrement malhonnête, mais elle n'a pas non plus envie de s'étaler davantage.
Distraitement, elle prend sa tasse en main pour terminer la tisane aux fleurs qu'elle s'était consciencieusement préparé, alors qu'elle reprend la parole de son le plus innocent, comme si de rien n'était. Sa voix mielleuse, pourtant, trahit son amusement quant à ce qu'elle va dire.

« … Et ça l'agace que Sainte-Catherine soit ouverte aux Sorciers, alors c'est toujours ça de pris. »

Nagisa pouffe brusquement, étonnée, et en recrache un peu de sa tisane, quitte à se faire disputer pour cela. Elle a beaucoup de mal à retenir son éclat de rire, et ne le fait au bout de quelques secondes. Natsume hausse les épaules, l'air de rien. Devenir professeur dans un établissement qui met ce genre de personnes de plus en plus mal à l'aise, cela a quelque chose de profondément plaisant pour la petite étincelle de rébellion puérile au fond de son crâne. C'est une petite revanche, une qui n'abreuve pas la soif dévorante de revanche qui l'anime, mais pour l'instant, elle se convint que c'est suffisant.
Et tant qu'on la laissait disposer des géraniums ou des plantes carnivores où elle le souhaitait, en soi, elle n'avait  pas vraiment de raisons d'être contre.

Natsume Shimomura
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyMar 25 Sep - 20:31
Re-bienvenuuue toua °W°

Je t'ai déjà dit tout ce je pensais de cette fiche mais je l'ai dévorée tellement elle est géniale, et j'ai très très hâte de la voir en RP comme tu sais même si je me doute que sa relation avec Kaden va être assez houleuse x)
Bref, amuse-toi bien avec cette (petite) grumpy mommy o/
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyJeu 27 Sep - 10:01

Rebienvenue ! :D Comme prévenu, cette fiche est immense xD Je n'aurai malheureusement pas le temps de la traiter avant ce week-end à cause du travail, mais je vais faire de mon mieux pour que tu n'attendes pas trop longtemps, promis~
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyJeu 27 Sep - 17:16
Bienvenue ! :coucou:
Sache que je lâche beaucoup de cœurs sur ton choix de vava (Octopath Traveler ♥️ H'aanit en plus !! QwQ ♥️)
Bravo pour cette fiche en tout cas ! Ça fait de la lecture !
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume EmptyDim 30 Sep - 15:53

Félicitations !
tu es validée~

Après un peu de retard, pour lequel je m'excuse, moi voilà enfin pour la validation !

Ma foi, ce fut une lecture longue mais très agréable. Natsume a une personnalité vraiment très originale, qui la rend vraiment humaine. J'ai ressenti énormément d'empathie tout le long de la lecture et j'avoue que c'est quelque chose qui ne m'arrive pas très souvent. Donc pour cela, GG à toi :huhu:

Je n'ai donc aucune raison de repousser plus longtemps ta validation. Je te souhaite de bien t'amuser avec elle ! :D


(c) Moona Neko
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MessageSujet: Re: "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume "Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume Empty
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"Dégage de mes bégonias !" ♦ Natsume
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