Merywen tournait les pages du livre qu’elle avait sur les genoux, son oiseau sur son épaule, la tête enfouille dans ses cheveux, regardant par moment les pages du bouquin de sa maîtresse.
La jeune fille était arrivée il y a peu de temps et même si elle était très joviale et sociale, elle n’était jamais sorti de son village et ne savait pas trop où se mettre.
Elle leva un moment les yeux pour regarder les élèves défiler devant elle. Elle était comme eux, enfin presque, si on oubliait leur différence entre magiciens et sorciers, et pourtant elle se sentait tout de même assez différente. C’était vraiment étrange comme sentiment. Merywen se leva doucement pour ne pas brusquer son familier à moitié endormi et alla reposer le livre, où elle ne comprenait absolument rien, pour remettre un peu d’ordre dans sa tenue.
Elle portait l’uniforme que l’école lui avait donné à son arrivée, histoire de s’y habituer. Elle n’était pas très à l’aise en jupe, elle sentait le vent frôler ses cuisses et lorsqu’elle courrait elle avait l’impression d’être en sous-vêtement. Heureusement qu’elle portait sa longue veste qui empêchait ce tissu de s’envoler à chacun de ses mouvements. En plus en escrime c’était encore moins pratique !

Merywen alla prendre sa rapière qu’elle avait mise près de son fauteuil, dont elle ne se séparait que rarement, et alla dans un coin de la pièce pour faire quelques pas. Cirinci se posa au sommet d’une étagère et regarda la demoiselle s’adonner à son hobby. Merywen avait une façon dansante de faire cette activité et ça la détendait énormément. Elle ne faisait pas de l’escrime pour se battre (même si ça pouvait être utile) mais au même titre qu’une personne lisait ou dessinait. Elle oubliait un peu le monde autour d’elle et fendait l’air avec grâce comme ces oiseaux volant dans le ciel.

La demoiselle fut interrompue par son familier qui lui indiqua que son tuteur était entré dans la pièce. Celui-ci lui avait donné rendez vous pour faire plus ample connaissance, sachant qu’il allait être son tuteur pendant un an, il voulait la connaitre d’avantage, ce que Merywen trouvait merveilleux ! C’était très attentionné de sa part et elle espérait qu’ils allaient vite devenir amis !

Merywen rangea sa rapière et tourna un peu sa ceinture pour la dissimuler sous sa veste. Puis elle suivit son compagnon jusqu’à son ainé, de là, elle remarqua qu’il devait faire plus d’une tête de plus qu’elle. Qu’il était grand !
La demoiselle lui tapota l’épaule pour attirer son attention et lui afficha un grand sourire remplis de sincérité et d’innocence :

_Salut Aaron !  Ta journée s’est bien passée ?

_ On peut dire ça, oui … et la tienne ?

Le jeune homme n’était pas très loquasse. Il avait une tête blasé, un air de je m’en foutisme inconditionné. Un peu le style beau gosse ténébreux trop dark et trop cool. Bien ou mal ? C’était certainement chacun ses goûts, mais en tout cas Merywen ne se posa que très peu de questions pour le comportement de son ainé.
Merywen se trouvait chanceuse de l’avoir comme tuteur, elle le trouvait charmant et il avait l’air bon élève, sérieux et tout de même bienveillant pour accepter de s’occuper d’elle et de faire l’effort de venir vers sa personne. Même si lui ne se trouvait certainement pas chanceux maintenant qu’il commençait à connaitre le personnage …

Merywen acquiesça avec conviction à la question d’Aaron. Même si elle ne comprenait pas la moitié de ce qu’il se disait en cours, elle avait envi d’apprendre et était enchantée d’être ici.

_ … On va s'asseoir ? Tu dois avoir des questions à me poser, je suppose ?

Perspicace ! Quel garçon génial !
Merywen le suivit jusqu’à un coin calme où elle sauta – presque – sur le fauteuil pour s’y asseoir. Croisant les jambes et mettant sa rapière sur le coté du fauteuil pour ne pas la gênée dans ce confort. L’oiseau écarlate de la jeune fille se posa sur sa tête comme si c’était son nid et son plumage se confondit avec la longue et flamboyante chevelure de la demoiselle. Ainsi affalé, Cirinci ressemblait plus à une boule de plumes qu’à un majestueux faucon.

Merywen sourit à pleine dent à on tuteur, même si ce dernier ne semblait pas vouloir lui rendre le moindre de ces attentions. Peut-être qu’elle était trop familière ?
Malheureusement Merywen était une jeune fille très naturelle, spontanée et avait la maladresse d’être familière envers un peu tout le monde. Elle espérait ne pas avoir mis mal à l’aise Aaron.
Mais sa réflexion s’effaça rapidement lorsqu’elle vit le familier de ce dernier.

_Oh qu’il est beau ! Comment s’appelle-t-il ?

Merywen descendit rapidement de son assise pour se mettre accroupis et regarder le félin et son magnifique pelage d’un noir profond comme la nuit. Cirinci s’envola aussitôt que sa maitresse se déplaça et alla se percher ailleurs, certainement fâchée qu’elle ne le laisse pas se reposer dans ses cheveux de feu.
Merywen tendit sa main dans l’espoir de caresser ce félin mais le chat semblait regarder la demoiselle avec dédain. Merywen hésita un moment en fixant l’animal. Elle ne savait pas si il avait l’air de lui faire signe que si elle le touchait elle était morte ou bien qu’il acceptait que sa disgracieuse main puisse toucher son corps divin.
Toujours le sourire aux lèvres, Merywenvfinit par s’écarter et laisser le chat tranquille avant de retourner s’asseoir comme si de rien n’était.
Il ne fallait mieux pas se froisser avec le familier de son tuteur, ça serait de mauvais augures pour la suite.

_Je crois qu’il ne m’aime pas beaucoup.

Ça ce voyait comme le nez au milieu de la figure que ce chat lui crachait dessus. Mais si le familier d’Aaron ne l’aimait pas, Merywen espérait que cela n’allait pas influencer le jugement de ce dernier. Elle espérait que le chat et l’oiseau pourrait tout de même s’entendre, ça serait agréable.
La petite rousse finit par redonner toute son attention à Aaron, souriant toujours, elle lui avoua de sa voix innocente :

_Je viens d’un petit village perdu où on est souvent éduqué par nos grands-parents. Je ne suis jamais venue à l’école avant, et je suis rarement sortit de mon village. D’ailleurs on sort tous rarement à par ceux qui sont chargés du commerce et de la communication.

Merywen prit une pause. Elle espérait qu’elle n’était pas gonflante à raconter sa vie, mais cela allait peut-être permettre à Aaron de comprendre sa situation actuelle et de l’aider au mieux avec ces informations.

_C’est si nouveau pour moi, du coup je ne connais rien. Même les cours. Je ne comprends que la moitié de ce que l’on me raconte. Mais je ferais des efforts et j’y arriverais !

Oui elle en était convaincue, et elle avait même des étoiles pleins les yeux. Même si elle paraissait assez idiote, une personne acharnée finirait toujours par réussir, surtout lorsque cette personne est petite, rousse et aussi curieuse que la demoiselle.
Merywen replia ses jambes sur le fauteuil afin se tourner complètement vers son ainé et posa sa tête sur ses mains en regardant Aaron.

_Et toi alors ? Parle-moi un peu de toi. Je serais ravi de mieux te connaitre.

_Et toi alors ? Parle-moi un peu de toi. Je serais ravi de mieux te connaitre.

Merywen vit une pointe de réflexion dans le regard de son interlocuteur. Peut-être se demandait-il comment présenter les choses à sa filleule sans entrer dans une biographie complète et éloquente de son parcours de vie.

_Je viens d'Italie, dans un village en Toscane. Ma famille possède un vignoble qui commerce régulièrement avec des pays d'Europe et d'Asie et dont je vais hériter.

Oh lui aussi venait d’une famille commerçante en quelque sorte ? Héritier qui plus est ? Merywen allait aussi hériter, quelque part, mais ce n’était pas une information importante, surtout pour un si petit village que le sien, qui s’en souciait en vérité ? En y repensant, la demoiselle songea à son grand frère qui n’avait pas du tout envie de reprendre la place de son père en tant que chef du village. Le pauvre …
Heureusement qu’Aaron semblait plus "enjoué" à reprendre les reines de son Héritage, lui. Il l’avait dit comme une fierté et c’était important d’être fière de soi et ses origines.
La demoiselle pencha la tête sur le coté et son ainé devina sans peine qu’elle voulait en savoir plus.

_ J'ai quatre petites sœurs dont trois ici, à Sainte Catherine. L'une d'entre elle est une Faune, comme toi, donc tu as déjà dû la croiser.

Sûrement, mais Sainte Catherine était si grand et il y avait tant d’élèves, tant de visages inconnus qu’elle a du les croiser sans voir le lien familiale avec Aaron, ce n’était peut-être même pas frappant. En tout cas, elle serait très heureuse de faire la connaissance de la cadette Di Ilsen, et devenir son amie !

_J'ai étudié la magie dans le village proche du mien mais certains cours ici sont un peu difficiles, alors j'imagine bien que pour toi, ça doit être une véritable épreuve par moment.

Merywen acquiesça doucement pour appuyez ses propos.
Il n’avait pas du tout tord. N’étant jamais allé à l’école, apprendre tout par le biais de ses ainés ce n’étaient pas évident pour être conforme aux normes, mais elle apprenait vite et bien et n’était certainement pas la seule dans ce cas là.
Et c’était très gentil de la part de Aaron de se soucier de ça.

_Si tu éprouves des difficultés avec le français, viens me trouver. Je l’apprends depuis que je suis enfant donc je pourrais sans doute t'aider pour ça

Ah mais Merywen était Canadienne, elle a apprit le français et l’anglais depuis sa plus tendre enfance, elle n’avait pas non plus de problème avec ça. Cependant elle acquiesça en souriant. Aaron était adorable de lui proposer de l’aide. Mais ce qu’elle ne comprenait pas vraiment c’était surtout les formules, les exemples qu’on lui donnait, les histoires qu’on lui racontait. Comme si on expliquait l’expérience du chat de Schrödinger à un enfant de 5 ans. Il comprendra les mots qui sortent de la bouche de son interlocuteur mais absolument pas la signification de tout ça.
C’était un peu de cas de Merywen et c’était assez dur de l’avouer, même si elle allait bien devoir le faire un moment où un autre si elle voulait que son ainé puisse l’aider.

_Tu as pu te faire des amis déjà ?

Aïe ! La question qui tue.
En tant normal Merywen n’avait aucun problème avec les relations humaines, ni animal d’ailleurs, mais depuis son arrivé ici ça n’a pas été simple de se faire apprécier. Entre sa nullité en cours, le fait qu’elle était une pauvre paysanne d’un trou paumé et qu’elle était une sorcière … non … elle n’avait pas vraiment eut l’occasion de se faire de bonnes connaissances. Mais ce n’était pas facile d’avouer sa solitude et elle ne voulait pas inquiéter Aaron qui était très gentil avec elle.
Continuant de sourire innocemment, elle répondit, simplement :

_C’est un peu tôt mais tout va bien de ce coté.

Ce n’était pas un mensonge, ou un demi-mensonge alors. Même si elle aurait aimé avoir une ribambelle d’amis, Cirinci comblait la solitude de ce coté là et elle n’en était pas malheureuse.

Maintenant que tout cela était dis, Merywen se leva vivement (oui elle est très énergique), agrippa sa rapière pour la remettre à  sa taille et se tourna vers Aaron, sa longue tresse suivant le rythme de sa tête tel la queue d’un serpent suivant le reste de son corps. Elle tapa dans ses mains et sourit à pleines dents à Aaron :

_Je n’ai pas eut le temps de tout voir à Sainte Catherine, tu me fais visiter, dis ? Il y a un lieu que tu préfères plus que les autres ? Et …

La demoiselle s’arrêta de parler un moment avant de se tourner vers son oiseau qui semblait ne plus bouder. Il ne lui en voulait jamais longtemps. Elle fit un signe de tête et il vint se poser sur son bras tendu. Elle rapprocha un peu l’oiseau vers Aaron mais à une distance raisonnable pour que son ainé ne se sente pas oppressé.

_Et je te présente Cirinci. Il est très gentil, mais un peu susceptible. Dis bonjour Cirinci.

L’oiseau pencha la tête sur le coté, tout comme le tic de sa maitresse, en regardant le jeune sorcier avant d’ouvrir en grand ses ailes écarlates et se pencher légèrement vers l’avant comme s’il lui faisait une révérence en guise de salutation.
Doucement, il replia ses ailes et Merywen l’installa sur son épaule où il enfouille sa tête dans ses cheveux pour jouer avec, comme à son habitude. La demoiselle passa ses mains derrière son dos en regardant son familier du coin de l’œil. Puis elle reporta toute son attention à son ainé.

_Oh mais j’espère que cela ne te dérange pas, sinon on pourra toujours reporter ça !

C’était stupide. Reporter une visite guidée ? Elle allait connaitre toute l’école à force de arpenter les couloirs alors reporter était une idée bien stupide. Mais elle ne s’en rendait pas compte, elle espérait juste ne pas déranger Aaron qui se montrait si avenant envers elle.
Elle lui sourit très sincèrement et ajouta :

_Je serais curieuse de voir où tu aimes t’abriter.

_Je serais curieuse de voir où tu aimes t’abriter.
_Ça ne me dérange pas du tout. Je n'ai pas encore fait le tour de l'école mais il y a bien un endroit sur lequel je suis tombé ce matin.

Aaron semblait méditer sur l’endroit où il pourrait emmener la petite demoiselle. Et son visage s’illumina à la seule pensée de son lieu favori. Il devait être bien agréable, ce lieu.
Son ainé se leva en lui souriant. Un sourire plus naturel que ce qu’elle avait pu voir sur ce visage plutôt sérieux.

_As-tu déjà vu le Jardin des Nymphes ? Le lac en particulier ? C'est vraiment magnifique.

La demoiselle hocha la tête en guise de négation. Elle l’avait vaguement aperçu en arrivant à Sainte Catherine mais n’était jamais encore aller voir. En vérité, Merywen avait tellement de lacune en cours qu’elle étudiait trop tard pour sortir dehors, et sortir la nuit quand elle ne connaissait pas trop le coin ne l’enchantait pas le moins du monde.
Le dragon se rendit à la porte pour quitter les lieux, son élancé chat noir le suivant avec un air très hautain. Il portait bien son nom ce petit félin.

_Il fait encore bien jour, viens, je vais te montrer.

Merywen prit sa rapière et sautilla joyeusement vers son aîné, lui offrant un grand sourire arrivée à sa hauteur. Puis, elle l’invita à ouvrit la marche, ne connaissant pas le meilleur moyen de se rendre à ce fameux jardin.
Et, sans mentir, même si Merywen avait une bonne mémoire, elle avait une fâcheuse tentance à se perdre dans les couloirs, mais ce n’était pas une information capitale à dévoiler.
Alors qu’ils marchaient, plus ou moins joyeusement, vers le jardin, et surtout le lac, Merywen remettait son épée à sa taille et la dissimula sous sa longue veste.

_Au fait, je sais que le port des armes est interdit dans l’école, mais je peux quand même garder ma rapière ? … Je me sens inconfortable lorsque je ne l’ai pas.

Ce n’était pas pratique d’avoir une épée comme objet magique, mais elle ne l’avait pas vraiment choisi. Enfin … peut-être que si … Merywen ne savait pas trop comment tout ça s’était déclenché. Elle avait l’impression que le lien s’était fait naturellement entre cette lame et elle. Elle espérait juste ne pas passer pour une psychopathe à se promener avec une arme en guise d’objet magique.
Il fallait avouer que l’escrime l’apaisait énormément, surtout depuis l’apparition de sa malédiction, et elle ne changerait son objet pour rien au monde.
En se remémorant cette effroyable nuit, même un quart de seconde, la demoiselle porta sa main à son bras, celui où se trouve sa marque dissimulée par sa veste. Elle était tellement grande que s’en était presque honteux. Et espérait ne jamais la déclencher un jour.

Chassant rapidement cette pensée, elle se tourna vers son ainé, toute souriante. Le familier de Merywen s’envola de son épaule pour s’engouffrer dehors le premier, respirant l’air pur et appréciant les rayons du soleil traverser son plumage écarlate, rendant son ombre rougeâtre et ses plumes brillants comme du rubis.

_Et toi, c’est quoi ton objet magique ?

Certainement pas une rapière. Aaron semblait trop introverti pour avoir un objet voyant. Ça devait être quelque chose qu’il pourrait dissimuler, ça serait plus conforme à son caractère.

_Si ce n’est pas indiscret, bien sûr.