⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

Sortir de son dortoir avait été simple. Sortir de la tour avait été un jeu d'enfant. Sortir de l'école avait été presque une invitation avec la porte ouverte. Marcher jusqu'à la forêt avait été une promenade tranquille, la lune éclairant sa route. Honnêtement, la surveillance à Sainte Catherine était clairement à revoir. Il y avait un clairement un relâchement, forcément qu'elle allait en profiter. Et n'étant pas du genre à s'inquiéter de l'éventuelle punition pour avoir été dehors à cette heure-ci, la Magicienne ne se pressa pas spécialement. C'était une simple promenade après tout.

Mais comme toujours, ses plans comportaient une défaillance plutôt dérangeante. A croire qu'elle même n'apprenait pas la leçon de ses erreurs. Que son cerveau faisait « reset » après chaque punition, aussi pénible puisse t-elle être. Cette fois, Sasha aurait dû largement se douter que revenir dans son lit allait être plus compliqué que prévu. Car pour cela, il fallait régler ce léger, petit, insignifiant détail : comment sortir de la forêt ?

Son familier renard s'assit près d'elle et son regard n'avait rien de joyeux. Il en avait marre de tourner en rond dans cette stupide forêt ! Il faisait sombre mais cela dit, pas froid (et heureusement!). Il n'y avait rien à faire et il voulait se rouler sous la couverture du lit bien chaud. En plus, il y avait des bruits bizarres, pas franchement amicaux et le renard ne se sentait pas aussi téméraire que d'habitude.

De son côté, Sasha tentait vainement de se rappeler quoi faire quand une personne se perdait. Elle ne s'était jamais perdue et même par curiosité, n'avait jamais cherché à se renseigner. En plus, elle n'avait jamais campé mais elle supposait que faire du feu serait peut-être un bon début. Peut-être se hisser dans un arbre pour rester loin des bestioles ? Il fallait de l'eau aussi. Bon, par où commencer ?

En parlant de bestioles, les bruits non loin titilla une zone de cerveau : y avait peut-être des bêtes pas très très gentilles dans le coin. Bon … trop tard pour s'en inquiéter. Sasha haussa les épaules et décida de suivre la direction du vent. Pas trop logique mais bon … c'était ça ou rester sur place. Elle porta son index à sa bouche et chercha d'où venait la légère brise.

« Allez viens, c'est par là … ou pas là … »

Finalement, le duo continua tout droit. C'était quand même incroyable : la Pégase avait toujours eu un excellent sens de l'orientation dans l'école ! Alors pourquoi s'était-elle perdue aussi facilement ? La lune éclairait autant qu'elle le pouvait au travers de cet amas de feuilles mais cela n'empêcha pas l'élève de trébucher à l'occasion sur une racine traîtresse. Ses bas et sa jupe s'accrochaient à des ronces et elle y voyait de moins en moins bien.

Ah, si seulement son Dragon l'avait détourné du chemin maudit qui était guidé par son envie irrépressible de bafouer toutes les règles de cette école ! Elle serait sagement dans son lit, bien au chaud, probablement confiante pour le test à venir. Sasha était pas spécialement dans la mouise, elle avait été attentive en cours. Mais ça pouvait toujours être mieux. Ses notes de comportement général, par exemple ~ En tout cas, elle ne regrettait aucune de ses farces et assumait chacune des punitions.

Il faisait vraiment de plus en plus sombre et la lune n'éclairait plus autant qu'avant. Ici, le feuillage était dense et occultait les pauvres rayons. Mais comme toujours, elle ne s'inquiéta pas : si elle se cognait, il suffisait de contourner l'obstacle. Si elle chutait, il suffisait de se relever. Elle allait bien finir par arriver quelque part à la fin. Ah, peut-être qu'elle pouvait signaler magiquement sa présence ! Quelqu'un allait bien l'apercevoir !

… Non, mieux valait chasser cette idée de son esprit. Ils étaient pas capables d'empêcher une seule élève d'aller se promener, on ne pouvait pas compter sur ce genre de personnes. Elle était destinée à se débrouiller seule car même son renard ne semblait pas avoir la force de faire autre chose à part marcher. Pauvre petit cœur ! Elle s'arrêta et le prit dans ses bras : elle était lourde la bestiole, mine de rien ! Mais il avait l'air tellement malheureux …

Sasha reprit sa route, sans vraiment voir là où elle marchait. Au moins, ses autres sens étaient développés ! C'était donc vrai ce qu'on disait sur les aveugles, intéressant ! Bah voilà, cette sortie n'était pas totalement dénuée d'intérêt finalement. Elle apprenait des choses, c'était nickel. Ça et l'art de positiver. Très important de voir le meilleur de tout. Ou le meilleur côté de tout. Elle devrait aller faire du bénévolat dans un centre de dépressifs. Mais en fait non, parce qu'après, elle n'aurait pas assez de temps pour faire ses farces.

Quand une nouvelle racine faillit la faucher en pleine marche, Sasha décida qu'il était temps de faire une pause. Elle se ficha du sort de sa jupe et s'assit à même le sol, gardant son renard contre elle. Elle n'avait pas mal aux pieds mais ses jambes étaient quand même lourdes. Et cette pause allait faire du bien. Elle passa sa main dans les poils roux du familier, les yeux levés vers le ciel, loin bien loin. Il était temps de vraiment faire le point sur sa situation et de résumer tout cela en un seul mot :

« … Oups »      

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

Sasha contemplait la cimes des arbres, cherchant un bout de ciel au milieu de toutes ces branches et de toutes ses feuilles. Ne serait-ce qu'une étoile ! Elle ne savait pas retrouver sa route ainsi mais ça ne pouvait pas l'empêcher de d'essayer. Tout serait bien mieux que de rester planter là. Ce n'était pas son genre de ne rien faire. Il fallait qu'elle bouge, qu'elle tente, qu'elle trouve elle-même une solution.

Mikorin s'était relevé brutalement en grondant. C'était si rare de sa part que la Pégase s'était également mise sur ses pieds d'un seul bond. Elle était prête à fuir si jamais le renard faisait un seul geste. Elle avait conscience que son familier, s'il se faisait attaquer, ne ressentirait aucune douleur mais pour Sasha, il était inconcevable de laisser les choses arriver pour autant. C'est pourquoi, tous les deux avaient la même façon de procéder : en cas de danger, fuir !

Quelque chose se rapprochait, c'était évident. Pour autant, cela pouvait encore être quelqu'un venu les chercher et les ramener en sécurité donc fuir devant cette personne ne rimerait à rien. Heureusement qu'ils couraient vite. Ça se rapprochait, plus près, toujours plus près. Ses jambes étaient fléchies, prêtes à se tendre pour courir aussi vite, aussi loin que possible.

Quelque chose surgit enfin des buissons environnants. A vue d’œil, un homme et Sasha se détendit instantanément. Pourtant, lui, avait l'air carrément paniqué et son cœur se remit à battre furieusement : visiblement, il y avait un danger à proximité et pour qu'un adulte affiche un tel air, c'était vraiment quelque chose de mauvais.

« COURS ! »

Elle sentit une main aussi dure qu'un étau de fer attraper son poignet. Il l'entraîna à sa suite, courant à un rythme effréné. Le renard suit sans poser de questions, le rythme rapide ne le dérangeant clairement pas. Il est habitué, il saute par dessus les racines avec la vivacité d'un vrai animal. Sasha, elle, faisait plutôt office de drapeau. Il courait vite le bougre ! Ses doigts féminins s'enroulèrent autour du poignet de l'homme et elle fit de son mieux pour ne pas chuter.

« Cours cours cours cours cours cours cours cours !!! »

Ses poumons étaient en feu et les muscles de ses jambes étaient douloureux. La voix de l'homme lui donnait d'horribles frissons qui parcouraient toute la surface de son dos et pour la première fois depuis longtemps : elle du l'avouer. Elle avait peur. Pire, elle était terrifiée. Du coin de l'oeil, elle aperçut la fourrure rousse de son renard mais celui-ci courrait sans véritable panique. Quelque chose pleurant mais elle ne voyait rien. Tout allait trop vite.

Elle voulut parler, demander ce qu'il se passait, ce qu'ils fuyaient. Mais l'oxygen était comme bloqué dans sa poitrine. C'était brûlant, elle en avait les larmes aux yeux. Elle continuait de courir seulement parce que l'homme la traînait avec lui. A aucun moment, Sasha ne se fit la réflexion que le danger, ça pouvait justement être lui. Elle se contentait de s'accrocher à ce poignet, bien plus épais que le sien. Il allait finir par lui briser s'il continuait de serrer aussi fort d'ailleurs.

L'homme trébucha et Sasha n'eut pas d'autres choix que de tomber avec lui. Elle atterrit sur un large dos et l'air quitta enfin ses poumons, brûlant tout sur son passage. Pendant un peu de temps, l'orangée se sentit planer, le cerveau drôlement secoué par la course et par la chute. Quand elle tenta de relever son visage, son nez entra en contact avec quelque chose de très doux. Elle ne savait pas ce que c'était et ne voulait pas nécessairement savoir.

« … Aïe … »

Elle roule sur le côté, respirant du mieux possible. Elle avait des points de côtés, les larmes aux yeux et les jambes douloureuses. Aucun autre commentaire pour son poignet. Son renard s'allongea près d'elle, posant sa grosse tête poilue sur son ventre. Il était tout calme, c'était apaisant. Sasha soupira un bon coup et se hissa sur ses genoux pour vérifier que le type était toujours en vie.

Elle chercha un col à attraper et une possible ceinture pour le retourner sur le dos. Elle approcha son visage du sien et tapota sa joue. Elle espérait qu'il ne se soit pas blessé. Elle regarda autour d'elle : si quelque chose était derrière eux, rien ne surgissait d'entre les arbres pour venir les attaquer. Il fuyait un lapin ou quoi ?

« … Vous allez bien … ? Hé ho ? Vous m'avez fait super peur, je vous conseille de pas faire le mort »

Sasha continuait de tapoter sa joue pour attirer son attention s'il n'était encore revenu à lui. L'homme lui disait quelque chose mais alors son nom ? Nope, aucune idée !

« Bon … où est-ce qu'on est … ? »  

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

L'homme murmurait des choses que Sasha ne parvenait pas à comprendre. Ou alors c'était le vent dans les feuilles d'arbres ? Ou autre chose mais franchement, elle préférait la première option. S'il murmurait, il était en vie. Qui qu'il soit ! Manquerait plus qu'elle se retrouve perdue avec un mort, ça ferait un peu tâche dans son dossier scolaire. Il n'était déjà pas très clair, pas la peine de l'assombrir avec une vague histoire d'homicide dans une forêt où elle n'était pas censée être. Puis bon, elle n'était pas non plus le type basique de meurtrier à profiler.

Une petite douleur se fit sentir au niveau de son genou gauche et elle baissa les yeux : elle s'était visiblement heurtée à quelque chose, même après avoir utilisé l'homme comme coussin et son genou s'était éraflé. Sasha avait beau ne pas être une maniaque de la propreté, elle ne voulait surtout pas voir l'état de ses bas à ce moment précis. L'état de son uniforme en général d'ailleurs. Ah, il allait falloir qu'elle trouve un fichu sort de nettoyage, la laverie était déjà fermée.

Elle sursauta comme un lapin paniqué en sentant la main de l'homme se refermer sur la sienne. Son cœur allait lâcher et ce ne serait même pas la faute de la course effrénée à travers les bois. Elle retint un juron du bout des lèvres, pas habituée à en sortir d'habitude pour respirer calmement et ralentir les battements de son cœur. Le peu de lumière naturelle lui permet quand même de voir qu'il se redressait pour s'asseoir avant de se détourner brusquement.

Au bruit qu'il produisit, la Pégase imagina très bien ce qu'il était en train de faire. Vu la chute plus tôt, pas étonnant que son estomac soit aussi bouleversé. Du moins, elle espérait que ce soit pour cette raison. Ne pouvant rien faire à part le laisser finir, elle frotta gentiment son dos, espérant quand même que cet inconnu n'est rien de trop grave. Mort, c'était une chose, malade, c'en était une autre et Sasha ne savait pas prendre soin des gens malades.

« On est dans la forêt »

Sasha ne pu s'empêcher de lever l'une de ses main à la hauteur de son visage pour montrer son incrédulité face à cette réponse, d'une logique imparable. Un « Bravo Sherlock » faillit lui échapper et elle musela son ironie au plus profond de son être. Le choc avait du être sacrément rude pour son compagnon d'infortune. En entendant son renard ricaner de toute cette situation, l'orangée chercha la fourrure à la couleur du feu que la lune éclairait faiblement pour le fusiller du regard. Comme s'ils avaient besoin d'un renard moqueur maintenant. Enfin bon, c'était sa nature. En revanche, le machin à côté, qu'est-ce que ça pouvait bien être ?

Nouveau coup au cœur quand l'homme se dressa sur ses pieds, la dominant de toute sa hauteur. Sasha en revanche, resta assise à même le sol, le contemplant de ses grands yeux violets : il était croisé chihuahua ce type pour s'exciter aussi vite ? Il allait finir par faire un arrêt cardiaque et finir la tête la première dans un tas de feuilles.

« Aucun élève n'est autorisé à sortir du château après le couvre-feu réglementaire »

… Okay … Sans blague ? Il était clairement évident qu'elle était pas venue ici en touriste pour deviner si oui ou non, la forêt allait être son prochain site de vacances. Elle était pas spécialement friande de camping alors bon. L'instant d'après, elle se surprit à profondément juger Benjamin pour avoir engagé une telle personne à Sainte Catherine. Que pouvait-il bien avoir en tête en regardant les CV, franchement ?

L'homme s'écroula à nouveau et elle n'eut pas la force de vérifier qu'il ne s'était pas fait mal. Tandis qu'il pointait une direction un peu vague, elle suivit sa main du regard et porta ses propres mains à ses tempes pour les masser. Oh quelle douce et idiote idée d'être sortie ce soir ! Comme quoi, le regret pouvait avoir un poids finalement, voilà une bonne leçon à tirer de toute cette mascarade.

« Faut qu'on aille par... là-bas... à peu près. »

« Okay, Mike Horn et y a quoi « là bas à peu près » ? Parce que, maintenant que votre petit footing s'est terminé, on s'est clairement enfoncé dans la forêt et on voit que dalle. Alors si vous avez Google Maps dans votre tête, va falloir m'éclairer un peu sur la direction à prendre parce que vous semblez pas en état de marcher dans l'immédiat. »

Au moins n'était-elle pas stressée d'une telle situation : paumée avec un inconnu. Comme elle l'avait dit, il semblait pas capable de s'en prendre à elle. Elle se releva finalement, se fichant totalement d'épousseter ses vêtements pour tenter de discerner quelque chose. Elle n'était pas nyctalope et à part des formes vagues, tous les arbres se ressemblaient. Peut-être que Mikorin allait les aider sur ce coup-là.

« Au fait, vous êtes qui ? Et vous faites quoi ici au juste ? »

Personne sain d'esprit ne viendrait dans la forêt en pleine nuit. Les adultes étaient tous fous, solution trouvée à un doute tout simple. Ou alors cette école rendait tout le monde dingue. Étonnamment, c'était ainsi depuis l'arrivée de Benjamin Leroy. Coïncidence ? Meh.

Elle contourna le corps avachi par terre et s'accroupit pour venir attraper l'homme sous ses bras. Malgré ses maigres forces, elle voulait quand même tenter de le redresser un peu, s'il pouvait à nouveau s'asseoir, ce serait pas mal. Purée, il y mettait pas un gramme du sien le loulou.

« Hoy, un peu de nerfs ! On va pas rester planter là à manger la mousse des arbres. Allez, faites un effort. »   

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

Il était évident que l'homme n'y mettait pas du tout du sien. Jamais Sasha n'aurait imaginé pouvoir ressentir de telles vagues de violence envers un adulte. Pourtant, l'envie de laisser là, parmi les feuilles, lui tenaillait l'estomac et il n'y avait que son bon cœur pour la faire rester. Peu importe qui il pouvait être, elle n'allait pas le laisser seul en plein milieu de la forêt. Par à cause de ce qui pouvait lui tomber dessus plutôt, comme les conséquences fâcheuses d'avoir possiblement laisser cet homme se faire manger par une créature sauvage mais plutôt parce que mine de rien, elle était gentille. Farceuse, têtue, pénible … mais gentille.

Finalement, il se dégagea seul et grogna en se recevant sur le visage les cochonneries qu'il époussetait de ses vêtements. Il lui lança un regard qui ne l’impressionna pas du tout. Le Directeur avait le don de glacer une pièce en haussant juste un sourcil alors cette tentative puérile d'autorité, c'était du niveau d'Ezhyo. Et elle ne marchait certainement pas.

« Jeune fille, si vous ne voulez pas aggraver votre cas en étant collée tous les samedis après-midi jusqu'à la fin de l'année scolaire, je vous demanderai de montrer un peu plus de respect à un professeur. »

Voilààà, encore un prof. Quelle plaie. Qu'est-ce qu'un prof faisait là, en pleine nuit de surcroît ? Petite balade au clair de lune ? Elle en doutait et outre sa colère, la curiosité montait en elle, tellement de questions au bord des lèvres. Maintenant, concernant le respect, d'un certain côté, Sasha en avait pas beaucoup …

« Ça va, je plaisante ! … Enfin pas trop quand même. »

Elle haussa les épaules, pas remise à sa place pour autant. Elle était le cauchemar incarné de tout professeur désirant vivre une carrière calme et sans accrocs. Autant en cours, elle se tenait bien, autant une fois sortie de la salle, le jeu pouvait commencer. Et elle avait une patience d'ange pour faire tourner les gens en bourrique. Cet homme n'allait pas être traité différemment.

«  Je suis Monsieur Jani. Je m'occupe des animaux du château, et je donne des cours qui visiblement n'ont même pas titillé ton attention. Et je n'ai pas à te dire ce que je fais ici. »

Elle avait emboîté son pas sans discuter et écoutait son charabia d'une oreille, prête à trier les informations plus importantes. Effectivement, son nom ne lui disait rien, il enseignait probablement une matière optionnelle. Comme si elle avait le temps pour plus de cours alors que Sainte Catherine devait trembler de toutes ses fondations par sa simple présence ?

Ah, il voulait se la jouer homme mystère, hein ? Amusant, elle allait faire avec. Elle finirait bien par savoir. Effectivement, ce qui devait être le familier de Monsieur ne tarda pas à prendre la parole et chacune d'entre elles ne faisaient qu'agrandir le sourire de la demoiselle. Un manchot, donc : pas facile à deviner avec toute cette noirceur environnante. D'ailleurs, c'était quoi la différence entre un pingouin et un manchot ? Une histoire de qui pouvait voler, non ?

« Je m'appelle Sasha ! Et lui, c'est Mikorin ! C'est étrange que je ne vous ai jamais vu avant … vous devez pas beaucoup passer dans les couloirs, vous, hein ? »

Elle l'aurait forcément aperçu sinon. Ne serait-ce qu'à table, pendant les repas dans la Grande Salle. Nope, il était comme un inconnu, venu d'ailleurs. Un peu comme ce voisin, présent depuis un emménagement mais qui ne s'était jamais présenté et qu'on ne pouvait jamais croiser. Le genre tranquille mais qui pouvait cacher de nombreux secrets, derrière une porte numérotée, à la suite des autres. Sasha avança jusqu'à arriver à sa hauteur :

« Vous vivez comme une sorte d'ermite, alors ? Votre manchot, vos plantations et votre cabane au fond du jardin ? C'est original, je vous juge pas. »

Elle l'observa de ses yeux violets mais il faisait trop sombre pour parfaitement discerner ses traits. Il avait l'air âgé mais tout ce qui avait au moins vingts-deux ans était vieux pour l'adolescente. Cela dit, il n'avait pas l'air d'avoir l'air du type très causant … pas grave, elle pouvait parler pour deux.

« C'est pas commun de se promener ici en pleine nuit … vous aviez un rencard ? Un qui a mal tourné si vous avez fuit … Ou alors, vous êtes somnambule ? J'avais une fille comme ça dans ma chambre l'année dernière, c'était flippant ! »

Une partie d'elle voulait tester la patience du prof. Elle commençait généralement par ça, pour mieux cerner le personnage. Il y avait peu de chance pour qu'il l'abandonne à son triste sort. Au pire, il allait l'assommer, rien qui n'allait la tuer. Ou alors, lancer le manchot à la drôle de voix sur elle : ça mordait un oiseau pareil ?

« Et donc, où va t-on ? Chez vous ? Ah, je me demande à quoi ça ressemble la cabane d'un ermite … des peaux de bêtes, un feu de cheminée et un siège usé jusqu'à la moelle mais que vous adorez quand même ? Avec des plantes en pot ! Vous avez la bonne tête du mec qui adore arroser ses géraniums … vous aimez les géraniums ? »

Soudainement, elle rencontra brutalement le sol quand son pied n'évita pas une racine traîtresse. Ah, karma quand tu nous fauches sur notre route ~ Probablement un signe divin qu'elle devait se taire un peu et laisser cet homme tranquille. Mais Sasha n'écoutait rien ni personne.

« Tout va bien, rien de cassé ! »    

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

La chute lui avait quand même légèrement coupé le souffle. Le soudain silence de la forêt lui provoqua de violents frissons dans le dos. Une forêt n'était pas censée être silencieuse. C'était comme si tous les créatures la peuplant s'étaient rapprochées d'eux, attendant juste le bon moment pour attaquer. La Magicienne se sentait observée. Elle n'aimait pas ça.

Elle chasse ses mèches de cheveux venues devant ses yeux pour apercevoir la main tendue. Sasha l'attrapa et se hissa sur ses jambes, frottant ensuite l'avant de son uniforme, couvert de feuilles et de terre. Son familier s'approcha, ricanant gentiment et il se frotta à sa jambe. C'était leur petit signe pour dire « Hé, je flippe un peu là » … ce à quoi Sasha ne pouvait pas lui donner entièrement tort. Parler faisait beaucoup de bruit, donc les créatures sauvages n'allaient pas s'approcher en entendant un tel boucan … pas vrai ?

« Nous allons chez moi, oui. Au château. Tu joueras la pipelette plus tard, Sasha. Si ton comportement te fait beaucoup rire, moi non. Parce que tu n'es pas à l'école ici. Tu n'es pas chez toi et tu n'es certainement pas sur un territoire où tu as pu imposer ta loi grâce à tes blagues... »

Elle aurait pu prendre une mine coupable avec de grands yeux tous tristes pour montrer qu'elle était désolée. Mais savoir que lui, il la connaissait -ou avait entendu parler d'elle- gonfla son ego : "imposer ta loi", c'était vraiment génial. Du coup, elle afficha un grand sourire, très satisfaite de cette nouvelle avant de reprendre une mine sérieuse. Visiblement, cet homme était dans une phase d'autorité croissante. Il ne fallait pas ruiner ses efforts.

« Tu es dans un endroit dangereux, où même certains arbres peuvent s'attaquer à toi. Chaque pas que nous faisons est un risque que nous prenons. Et chaque mot que tu prononces, c'est un signal de plus pour signaler notre position... »

C'était marrant comme cette dernière phrase lui rappelait Shang dans Mulan, juste avant que les Huns n'attaquent … Ce serait bête si un monstre surgissait tout d'un coup des arbres pour se jeter sur lui et lui mordre l'épaule … Ah non, juste trop d'imagination. Peut-être était-il temps qu'elle réduise sa consommation de sucre ?

Sasha le regardait dans les yeux, attendant juste qu'il termine son monologue. Il n'avait pas encore eut affaire à elle, il ne savait pas qu'elle allait faire à nouveau la même chose d'ici quelques minutes. Ce n'était pas grave, il fallait qu'il apprenne … Cela dit, pour un type qui trouvait qu'elle faisait beaucoup de bruit à trop parler, il avait beaucoup de choses à dire. Enfin, elle n'allait pas le lui faire remarquer, elle ne voulait pas être abandonnée là.

« Et moi, je dois te protéger parce que c'est mon rôle. Je me fiche de ce qui va m'arriver, de ce que tu cherches à me faire ou de ce que n'importe quelle créature rôdant autour de nous actuellement peut me faire. Mais en braillant comme tu le fais, c'est ta vie que tu mets en danger. Et ça, je ne peux pas le tolérer. »

Yep, il méritait un Oscar pour cette performance. Ezhyo pourrait en prendre de la graine. Mettre ainsi son rôle de professeur en avant, argumenter sur le fait que sa sécurité d'élève passait avant la sienne, c'était beau. Très professionnel. Il était assurément l'homme de la situation et elle se devait de le respecter pour ça. Juste quelques minutes, avant de reprendre ses mauvaises habitudes.

« Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? »

Il se détourna immédiatement et Sasha resta un instant sur place pour effectuer un salut militaire avant de courir pour se remettre à nouveau à sa hauteur. Elle jeta un coup d'oeil au manchot à côté de l'homme, notant mentalement que ça marchait vite pour un truc avec des pieds palmés. Quelle drôle de créature. Elle demanda, à voix bien plus basse que tout à l'heure.

« Question ! Y a quoi comme créatures dangereuses dans la forêt ? Parce que bon, je pense pas être la seule à venir me balader ici mais y a quand même plus de chances que je croise un montre qu'un autre élève. »

Et promis, elle réfléchirait à ses actes pendant sa future heure de colle. Il n'y avait aucune chance qu'elle s'en sorte sans punition. Ou alors, ce professeur allait penser qu'elle devait avoir eut la peur de sa vie et qu'elle ne reviendrait plus, après avoir compris son erreur et ce qu'elle risquait. Douce illusion. Parce qu'elle allait revenir. Elle se tourna vers le manchot :

« Et donc, vous êtes le … majordome de Monsieur Jani, si j'ai bien compris ? »

C'était censé faire quoi un majordome ? Tenir la maison, laver le linge sale, le repasser … ce genre de choses, non ? Un manchot pouvait faire tout cela avec ses petites bras ? Le familier était-il esclave ? Il n'avait pas l'air malheureux. Mais les familiers n'avaient pas de sentiments alors comment savoir ? D'un autre côté, elle s'en fichait mais il fallait qu'elle pense à quelque chose pour s'occuper.

« Vous enseignez quoi comme matière, au fait ? »    

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

« Oui. »

C'était cours, c'était concis. Au moins, le manchot avait-il répondu à sa question. Sasha imaginait bien que c'était digne d'un tel animal. Même si elle en savait très peu sur ce genre de bestiole, au final. Et d'un autre côté, ce n'était pas comme si elle voulait sincèrement se taper la discussion avec le familier. Elle avait juste besoin de discuter et elle devait l'avouer, elle aurait quand même préféré que la créature magique lui donne de quoi rebondir après. C'était pénible de chercher un nouvel axe de discussion par soi-même !

Elle allait continuer à parler quand Sangha fit disparaître la lumière éclairant le chemin. Trébuchant à nouveau, elle réussit cependant à rester debout, cette fois-ci et jeta un coup d'oeil dans la direction de l'adulte pour comprendre ce soudain changement. Une main attrapa son bras et sa voix souffla quelques mots dans son oreille :

« Une mauvaise et une bonne nouvelle. La mauvaise, c'est qu'on a fait un petit détour pour rentrer. La bonne, c'est qu'on a la possibilité d'assister à un événement que peu ont connu. Si tu poses la moindre question, le sortilège de mutisme que je m'empêche de lancer depuis dix minutes prendra effet une bonne semaine. Et les dizaines d'heures de colles que je vais te poser se passeront dans les écuries à nettoyer le cul de chacun de nos Pégases. »

… Bonne argumentation, en effet !
Cependant, le pauvre homme avait dû se déglinguer le dos pour arriver à se baisser jusqu'à son oreille et l'image mentale qui en résulta la fit sourire dans le noir. Comment avoir l'air autoritaire quand on avait la forme d'une équerre pour parler à une gosse qui se fichait royalement de cet « événement que peu ont connu » ?

Sasha haussa les épaules pour manifester qu'elle avait au moins compris les enjeux de ce détour et le suivit, aussi silencieuse qu'elle le pouvait. Nettoyer les box, elle pourrait le faire. Par contre, nettoyer un canasson volant, c'était pas son délire. Il valait mieux laisser cela aux professionnels. Et puis, près d'un tel animal, il valait mieux rester calme, non ? Ce n'était pas trop son point fort, Sangha aurait au moins dû comprendre cela maintenant.

« Les Faunes ont peur des humains, on n'en voit que très peu. Et les Nymphes... je n'en parle même pas. Elles ne s'éveillent qu'au son de leur musique. Ce que tu entends, c'est une rencontre qui ne s'est pas produite ici depuis peut-être plusieurs siècles. Un Faune est en train d'éveiller les Nymphes ! Elles vont sortir des arbres, et se balader, et rire, et danser ! »

Waouh, il avait l'air d'un gosse qui allait ouvrir ses paquets cadeaux. Devant tant de joie, même la Magicienne ne trouvait pas la force de l'ennuyer comme elle avait apprécié de le faire à peine cinq minutes auparavant. Dans sa grande générosité, elle accepter de ne pas ruiner le moment. Aaaah, et avec un sourire pareil, il la faisait se sentir presque coupable de l'avoir embêté sur le chemin. Presque, hein !

Quand ils s'arrêtèrent -assez loin pour ne pas perturber les acteurs principaux- Sasha se hissa sur la pointe de ses pieds pour tenter d'apercevoir ce qui captivait tellement Sangha. Une espèce de créature mi homme- mi … chèvre (?!) se tenait seul dans un coin, une espèce de flûte bizarroïde à la bouche. La musique qu'il jouait était ravissante, même l'adolescente se laissa bercer par les sons que la créature produisait.

Ensuite, il y eut des rires féminins et Sasha se dressa davantage pour observer un groupe de quatre jeunes et magnifiques femmes. Leurs vêtements, si on pouvait appeler cela ainsi- dansaient au vent au gré de leurs gestes tandis qu'elles s'approchaient du Faune qui joua de sa flûte de plus belle. Les Nymphes semblaient à peine toucher le sol et leur sourire était la chose la plus lumineuse que Sasha ait pu voir de ses yeux. Leur rire vibrait au cœur de sa poitrine et elle les regarda se prendre les mains pour s'approcher toujours davantage du Faune.

L'une d'entre elle, que l'adolescente trouva la plus jolie, commença à … onduler au rythme de la musique, très vite rejointe par les autres créatures à l'apparence féminine. La forêt sembla tellement plus vivante à cet instant ! Les Nymphes dansaient tantôt seules, tandis leurs mains liées et la musique du Faune gagnait toujours plus en intensité. Tout autour d'eux était sombre et pourtant l'endroit où le groupe se tenait était d'une claireté impressionnante. Le rire des Nymphes était enchanteur et l'une d'entre eux glissa ses doigts sur les épaules du Faune, sans doute curieuse de voir l'instrument de musique.

Hélas, le moment magique prit fin bien trop rapidement au goût de Sasha. Le Faune éloigna la flûte de ses lèvres et les Nymphes terminèrent leur danse avant de s'éloigner, leur rire résonnant dans les arbres. Le musicien se hâta à son tour de disparaître, sans doute pour un nouvel endroit dans la forêt pour réunir d'autres danseuses, le temps d'un moment. L'adolescente reposa ses talons au sol et continua de regarder dans la direction que le Faune avait pris. Elle se sentait toute secouée par le spectacle.

« C'était … waouh ! … Je regrette pas d'être sortie ! »

Elle tapota le bras de Sangha pour attirer son attention et lui offrit ce qui devait être son sourire le plus sincère. Ils ne se seraient pas croisés, elle n'aurait jamais pu voir ces créatures et leur étrange danse.

« Je comprend mieux pourquoi vous vouliez à tout prix voir ça ! »

Pour autant, elle n'allait pas le crier sur tous les toîts. Sasha voulait que ça reste son moment rien qu'à elle, un souvenir qu'elle allait protéger. En ayant vu ça, comment regretter son idée de se balader dans la forêt des Elfes.

« C'était vraiment incroyable quand même … On se sent privilégié de pouvoir assister à ça. »

Au moins, si elle devait revenir ici, elle savait maintenant comment agir face à des Faunes et des Nymphes.

« Bon, on y va ?  »
   

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

Sasha s'était détournée de cette petite scène, les mains sur les hanches, le regard tourné vers la forêt. Ils étaient encore au milieu de nul part et aucun chemin en vu. Juste de vagues sentiers à travers les arbres, des racines sortant de terre, se tenant prêtes à piéger les malheureux qui ne regarderaient pas où ils marchaient. C'était le cas de Sasha alors elle devait prévoir les pièges entre elle et la sortie de cette maudite forêt.

« Je ne crois pas qu'ils reviendront si près du domaine de si tôt. On devrait y être d'ici dix minutes. »

Fiou, une sacrée trotte alors. Sans doute Sangha espérait-il qu'elle reste silencieuse, vu le tic nerveux de son sourcil. Ah, elle avait marqué son esprit, c'était obligé. Peut-être même ferait-il des cauchemars à cause d'elle. Pauvre homme … Ce ne serait pas le premier. Sasha était persuadée que Line, la jolie infirmière regrettait définitivement d'avoir accepté l'offre de Benjamin et d'avoir croisé la route de la furie rousse qu'elle était. Sans rancoeur, hein ?

« J'enverrai Oscar t'apporter ta punition demain »

Elle étouffa un rire en imaginant la scène : le manchot bizarre qui traverserait les couloirs de Sainte Catherine à sa recherche. Il allait devoir marcher un petit moment. A moins qu'il aille confier le mot à un autre professeur qui allait convier Sasha à rejoindre son bureau ? Là encore, ils allaient l'attendre très longtemps. Elle n'allait pas courir vers la punition non plus.

Naturellement, elle se demanda pourquoi Sangha ne pouvait pas venir vers elle directement. Mais, sans raison particulière, elle supposa que le lui demander allait lui attirer soit plus de problèmes, soit un silence digne du professeur. Et le pousser trop à bout ne serait pas du tout bénéfique pour elle. Même pour dix minutes, l'adolescente pouvait encore se perdre et rester à tourner en rond dans la forêt. Il fallait rester calme encore un tout petit peu.

« Et pour ta gouverne au fait, j'enseigne les... trucs autour des créatures magiques. »

… ouais, un truc pas ultra utile en somme. Sans doute, une matière optionnelle, le truc qui n'intéressait pas du tout Sasha. Elle n'avait pas le temps pour plus de cours. Puis bon, les créatures magiques … oui, sans doute étaient-elles magnifiques, intéressantes et pleines de mystère … mais après ? Elle était curieuse, oui mais ça n'allait pas plus loin. Le spectacle de tout à l'heure était magique mais elle avait d'autres passions que celle-ci.

« Mmmmh … je comprend mieux votre air de petit garçon le matin de Noël. Et à part les Pégases, vous vous occupez de quoi du quoi ? »

Elle ne pensait pas que les Sirènes avaient besoin de soins particuliers, pas plus que les gnomes. Le Sphinx peut-être ? S'il était bel et bien dans l'école au moins. Les créatures de la forêt ne devaient pas non plus demander beaucoup de travail puisqu'elles devaient être en liberté. Quel drôle de job quand même. Sangha était une sorte de vétérinaire de l’extrême en fait.

Elle l'imaginait bien voyager à travers le monde, à la recherche de créatures presque disparues. Tomber sur l'une d'entre elles, blessée et l'adulte la soignerait, attentif aux moindres de ses besoins. Il devrait se retenir de la câliner, de la toucher partout pour découvrir sous tous les angles. C'était étrangement adorable et ça donnait envie à la Pégase de le taquiner.

« Dis au fait, j'espère que tu n'as pas de téléphone portable allumé sur toi ou quoi. »

Par réflexe, elle ne chercha même pas l'appareil dans la poche de sa jupe. Ses parents s'obstinaient à lui payer un abonnement alors qu'elle l'oubliait constament à la maison. Ils devaient toujours lui envoyer rapidemment. Et comme d'habitude, quand Mikorin avait réclamé un câlin, elle l'avait lâché pour chouchouter son Familier. Le téléphone devait donc encore être sur son lit, comme les trois quart du temps. Manquerait plus qu'il se mette à sonner pendant qu'elle se cachait des professeurs.

Au pire, pour quoi en avait-elle besoin ? Appeler ses parents ? Elle n'avait rien à dire, en tant qu'étudiante, chaque jour était quasiment le même. Appeler Adrian ? Ils étaient dans la même classe ! Non, vraiment, il ne lui servait quasiment à rien. Mais pourquoi donc Sangha posait-il une telle question ?

« Il est sur mon lit, comme d'habitude. Pourquoi ? Vous voulez mon numéro ? »

Elle afficha un grand sourire : voilà un autre terrain de jeu pour elle. Si seulement l'adulte arrêtait de lui tendre de si grandes perches, elle ne se ferait pas un malin plaisir de les saisir ainsi. C'était presque comme s'il lui demandait de venir le taquiner. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. C'était de la provocation à ce stade là.

« Je vous le donne, c'est pas un souci ! Ca servira pas à grand chose vu que je m'en sers jamais mais j'ai l'impression d'être un porte-bonheur, pas vous ? Sérieusement, vous auriez peut-être pas vu ce Faune sans moi ! On devrait se voir régulièrement, histoire de tomber sur des scènes comme ça encore. »

Sasha, le porte-bonheur, même elle y croyait peu. Elle était un danger ambulant, sans aucun instinct de survie et l'homme préfèrerait sans doute se jeter dans de l'eau bouillante que de la croiser une nouvelle fois. Ce ne serait pas le premier mais Sasha ne prenait pas la mouche : elle se fichait bien qu'on l'aime ou qu'on l'aime pas. Tant qu'elle s'amusait, elle se fichait de tout. Et avec Sangha, ça n'allait pas changer.

« Au fait, pourquoi vous ne passez pas au château ? Vous avez pas l'air timide pourtant … Ah, je sais ! Vous êtes un Sorcier et vous craignez pour votre malédiction ? Je peux pas trop juger mais bon, c'est dommage de vous éloigner des autres. »

Elle fit une petite pause, tout en continuant à marcher derrière Sangha, ses pas dans les siens pour éviter de trébucher comme tout à l'heure. Une fois mais pas deux. C'était déjà assez douloureux ainsi. Elle en avait eut le souffle coupé quand même !

« Dites … vous avez pas un truc à manger par hasard ? Je meurs de faim ! J'ai soif aussi … Ca va votre tête au fait ? Si vous avez envie de vomir, faites ça plus loin, c'est le seul truc que je peux pas supporter. On arrive bientôt ? »
   

⎡Meet me in the woods]

avec Sangha Jani

Elle n'avait qu'une envie : se laisser tomber en arrière et dormir, de préférence sur un matelas. Sasha n'avait pas réalisé qu'elle pouvait être autant fatiguée mais la journée, et surtout la soirée avait été très mouvementée. Peut-être que si elle avait dormi plus de quatre heures la nuit dernière, cette petite promenade improvisée aurait été faite plus tranquillement. Seulement, elle avait projeté sa sortie toute la nuit et la hâte d'y être avait eut raison de son quota de sommeil.

Mais tout n'était pas si mal ! Sangha, sous un air bourru, était une personne relativement agréable. Très amusant à embêter, autant dire que Sasha allait s'y attacher à ce professeur reclu dans sa cabane. En revanche, lui ne devait pas beaucoup l'aimer. Tant pis, elle s'était quand même confiée sur sa « légère » faiblesse, en guise de bonne foi. N'était-elle pas gentille ?

Mikorin poussa un long gémissement après sa déclaration et lui lança le regard le plus désespéré qu'il pouvait avoir dans son catalogue d'émotions. Un large panel, comme sa maîtresse. Le genre de regard qui signifiait « Mais qu'est-ce qui va pas dans ta tête ?! ». L'adulte et son manchot n'étant pas trop loin d'eux, la Pégase ralentit le pas pour regarder son familier :

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Il secoua simplement sa tête et la dépassa sans un mot supplémentaire. Après avoir éviter une énième racine, Sasha remarqua enfin l'étrange spectacle du familier oiseau … si ça faisait bel et bien partit de cette famille là. Que faisait-il ? On aurait qu'il avait perdu la tête. Ou alors c'était une danse destinée à séduire la femelle manchot ? En tout cas, c'était un peu énervant et Sasha lutta pour ne pas lui mettre son pied dans les pattes. Elle n'était pas aussi méchante.

Mais quand la bestiole régurgita le contenu de son estomac directement sur ses chaussures, elle repensa à cette méchanceté enfouie qui réclamait vraiment vengeance. Bouche-bée, elle comptemplait ces morceaux de poissons baignant dans un liquide dont elle ne préférait pas connaître l'origine. Il ne fallait pas qu'elle regarde ça ou elle allait vomir à son tour. Et sa cible était justement choisie.

« Oh bah mince alors ! Oscar, tu pourrais faire attention quand même ! Nous qui avions réussi à rentrer indemnes ! »

Elle ouvrit la bouche sur un cri inaudible de dégoût et de rage. Ils avaient fait exprès ! Lui et son maudit piaf ! Sasha n'osait plus bouger, de peur que l'horrible susbtance qui maculait ses chaussures ne vienne couler à l'intérieur. Trop tard … Mikorin poussa gentiment sa main du bout de son museau mais elle était en panique complète. Il fallait impérativement qu'elle enlève ses chaussures. Elle allait marcher pieds nus, tant pis.

Sans utiliser ses mains, car hors de question de risquer de toucher les morceaux de poisson à peine digérés, elle foula le sol directement avec ses chaussettes, et rebaissa enfin les yeux, pour constater les dégâts. Oh mon Dieu, c'était tellement répugnant. Elle gémissait et se murmurant que la sensation de mouillé sur son pied n'était pas ce qu'elle croyait. Non, c'était autre chose, il fallait que ce soit autre chose. Doucement, très doucement, elle fit rouler ses bas pour les retirer et les garda le plus loin possible d'elle, son bras bien tendu en avant.

Sangha avait continué son chemin, son rire encore bien présent dans l'esprit de la lycéenne. Tant pis pour les conséquences ! Elle attrapa une simple pomme de pin qui traînait là et avec son autre main, elle la lança aussi fort que possible. Tristement, elle passa largement par dessus la tête du professeur et se perdit dans un buisson. Flûte. Sasha regarda ses chaussures : comment allait-elle les transporter ?

Au point où elle en était, elle les attrapa directement aves ses bas, laissant le contenu de l'estomac du manchot couler tranquillement à même le sol. L'odeur était immonde, elle pouvait presque en pleurer. C'était tellement ignoble ! Elle avait pleurer de s'asseoir et d'attendre qu'elles sèchent miraculeusement. En revanche, quand la Pégase remarqua que Sangha était plus loin que prévu, elle se força à le rejoindre, évitant la mare de vomi du mieux qu'elle pouvait.

De même, elle n'osait pas ouvrir la bouche, de peur que l'odeur ne vienne à chambouler son propre estomac. Elle refusait clairement de vomir devant cet homme, quand bien même l'idée de lui vomir dessus était terriblement tentante. A la place, elle se concentra sur la sensation du sol contre la peau nue de ses pieds. Dire que certaines personnes trouvaient ça relaxant … Bande de gens complètement dingues …

« Je vous trouvais sympa au début, mais là … là, vous avez fait fort. »

La petite cabane était enfin en vue. Mouais, ça cassait pas trois jambes à un gnome. C'était … pittoresque. Et plutôt facile à reconnaître. Elle avait se faire un malin plaisir à retrouver cet endroit en plein jour. Sangha n'avait pas finit d'entendre parler d'elle.

« J'espère au moins que vous avez un truc sucré à grignoter parce que sinon, je vous jure que je m'accroche au premier meuble que je trouve chez vous et bon courage pour me déloger ! »

Et elle était totalement sérieuse, tout à fait capable de faire ce qu'elle promettait. Sasha n'était jamais friande des paroles en l'air. Dommage que les familiers ne ressentent pas la douleur, elle aurait plumer le Oscar si elle avait eut l'occasion.

« D'ailleurs, vous m'avez toujours pas répondu ! Vous avez un géranium, oui ou non ? »