Dimitri fait parti de ces quelques sorciers qui portent encore aujourd'hui le nom des Leprince, qui semble disparaitre avec le temps. Il est né en France, mais il n'y a pas vécu très longtemps; alors qu'il était à peine âgé d'un an, lui et ses frères, Louis et Grégoire (âgés respectivement de 8 et 3 ans, à l'époque) ont étés forcés de déménager en Transylvanie, suite au décès de leur père, Stéphane Leprince, et au remariage de leur mère, Agathe, avec Sergei Strogoi. En réalité, même si Dimitri porte ce nom de famille, il a gardé tellement peu de souvenirs de son père et de sa vie en France qu'il se sent sans doute plus "Strogoi" que "Leprince".

En fait, l'unique souvenir qu'il ai gardé de son père, c'est le jour précis de sa mort. Il était peut-être très jeune et sa mémoire ne lui permet pas de mettre un visage sur le nom de son père, mais il est bien difficile pour lui d'oublier les cris et l'image de cette silhouette d'homme dont les mains, puis le corps entier, se sont soudainement enflammé avant d'être littéralement réduites en cendre. Et tout cela devant ses yeux. Il ne se souvient plus de ce qui a pu se passer ensuite. L'enterrement, le déménagement, son arrivée au manoir des Strogoi... Tout s'était enchaîné assez vite et remonte à tellement longtemps maintenant... D'après sa mère, après cet événement, Dimitri s'était plus ou moins enfermé dans une sorte de mutisme, et n'en sortait que lorsqu'il se mettait soudainement à pleurer dès la moindre petite étincelle de feu dans son champ de vision.

Se faire à sa nouvelle famille dans ces conditions n'avait pas forcément était simple. Il n'est d'ailleurs, encore aujourd'hui, pas particulièrement proche de ses "nouveaux" frères : Alexei, Marian, Grigore et Florin. En même temps, la différence d'âge n'aidait pas vraiment non plus. Mais avec Gabriel, le petit dernier de la fratrie des Strogoi, cela avait été différent. Lui et Dimitri avaient pratiquement le même âge, alors naturellement, ils avaient pris l'habitude de tout le temps rester ensemble. Ils étaient quasiment inséparables, passant leur temps à courir dans tous les sens, se cacher dans le manoir, grimper aux arbres, et tout autres jeux qu'ils s'inventaient. Avoir ce nouvel ami avait aussi permis à Dimitri de redevenir un enfant insouciant et souriant, laissant son traumatisme de côté pour se concentrer sur l'essentiel : profiter de la vie. Il profitait d'ailleurs du moindre instant pour utiliser sa magie, bien que jamais il ne lançait de sort ayant un quelconque lien avec le feu...

Le temps passait sans qu'aucun événement ne vienne réellement perturber la vie plutôt tranquille de Dimitri. Il n'était désormais plus le plus jeune de la grande fratrie, et du haut de ses 5 ans, il était d'ailleurs tout content d'accueillir sa petite sœur, Ania, dans la famille. Être grand-frère à son tour était quelque chose d'intrigant et d'incroyable à ses yeux, et il se promis d'être un grand-frère parfaitement responsable ! C'est pour remplir ce rôle au mieux qu'il commença finalement à se calmer un peu. Oh, il n'arrêtait pas de s'amuser pour autant, mais il appris à être un peu plus sage, à respecter un peu mieux les règles imposés par les adultes du manoir.

Et puis, il venait aussi d'entrer à l'école, et il ne tenait pas spécialement à se faire enguirlander par sa mère ou ses professeurs, alors il se tenait plutôt à carreaux là-bas aussi. Sa scolarité dans la petite école de sorciers s'est plutôt bien passé pour lui d'ailleurs. Sans être un excellent élève, il se débrouillait suffisamment bien pour qu'on le laisse tranquille avec les cours, et il n'a jamais été puni de quoi que ce soit à cause de mauvaises notes ou autres. Il n'avait pas tant de mal que ça à se faire des amis non plus, et trouvait toujours un camarade avec qui jouer à la récré. Néanmoins, ce qui l'inquiétait le plus à l'école, c'était la situation de son frère, Gabriel. Une rumeur selon laquelle il serait une sorte de "vampire" avait vite fait de circuler dans l'école et pratiquement tout les enfants l'évitaient ! Cela faisait mal à Dimitri de voir son demi-frère ainsi rejeté, surtout qu'il n'avait jamais fait de mal à personne, mais il ne pouvait pas changer la mentalité des autres enfants; ils ne l'écoutaient pas quand il essayait de les convaincre qu'ils avaient tort, et ils continuaient tous à laisser "le vampire" à l'écart. Dimitri ne pouvait rien faire de plus que de rester avec Gabriel pour le soutenir, et de finalement ignorer les autres enfants quand ils venaient les embêter.

Mais finalement le temps passe. Au fur et à mesure des années, Dimitri finissait par se "lasser" des cours, n'y prêtant pas plus attention que ça, et se contentant toujours du minimum d'effort. A quoi bon ? Il ne savait même pas où cela le menait. A vrai dire, il n'avait jamais eu de réel but dans la vie. Il n'avait strictement aucune idée de ce qu'il voudrait faire plus tard, et cela ne l'intéressait pas spécialement. Ou plutôt, peut-être que cela lui faisait un peu peur. Voyant ses frères et demi-frères découvrir leur malédiction les uns après les autres, il commençait à se dire que son tour arriverait bientôt, et le souvenir de son père tué par sa malédiction lui revenait parfois en tête. Est-ce que tous les sorciers étaient destinés à mourir jeunes de cette façon...? Il ne savait pas trop quoi en penser.

La grande nouvelle arriva sur tout les journaux de la Communauté magique. L'école Hortensia, célèbre école de magiciens, changeait de nom en école Sainte Catherine, et accueillerait désormais des Sorciers. Cela constituait un grand changement dans le monde magique. Dimitri était plutôt intrigué par cette histoire, mais n'y prêta pas vraiment plus attention que ça. L'histoire des Sorciers, il la connaissait bien. Du moins, tout ce qu'on lui avait raconté durant son enfance ou à l'école à ce sujet là. Les adultes de son entourage avaient souvent tendance à tout mettre sur le dos des Magiciens, et on lui avait toujours dit de se méfier d'eux et de ne jamais les approcher, car "qui sait ce qu'ils pourraient faire". Dimitri ne détestait pas les magiciens, mais il est vrai qu'une part de lui les blâmait sans doute pour cette histoire de malédiction...

D'ailleurs, sa malédiction. Fatalement, elle avait fini par arriver. Avant même que les véritables cauchemars ne commencent, il en faisait déjà. Après l'événement survenu lorsque Gabriel a reçu la sienne, Dimitri s'attendait vraiment au pire le concernant... Ses cauchemars, ils n'étaient vraiment pas diversifiés. Toujours le même qui revenait, en boucle. Cette même scène qui était resté gravé dans sa mémoire se répétait, encore et encore, toutes les nuits. Il revoyait son père s'enflammait et être réduit en cendres. Encore et encore. Encore et encore... Après une semaine entière qui semblait avoir duré plusieurs mois, Dimitri remarqua l'apparition d'un tatouage sur son bras droit. Ce qu'il représentait ? Une simple flamme. Dès cet instant, le doute n'était plus permis. La malédiction était là.

En premier lieu, Dimitri n'osa tout simplement pas utiliser de magie après avoir découvert ce tatouage. Lui qui en usait et abusait autant jusque là se trouvait paralysé par l'idée de le faire. Pourtant, petit à petit, il avait fini par s'y remettre. Et il découvrit très vite ce qu'il redoutait tant : sa malédiction était exactement la même que celle de son défunt père. Vous savez la sensation que cela peut faire de sentir ses propres mains brûler sans pouvoir rien faire pour empêcher ça ? Le feu magique ne pouvait pas s'éteindre avec de l'eau, ni être étouffé. Quand sa malédiction se déclenchait, il ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre dans la douleur que les flammes disparaissent d'elles-mêmes...

Ce n'est qu'à peine quelques semaines plus tard qu'il reçu une lettre de l'école Sainte Catherine. Une lettre l'invitant à rejoindre l'école dès la prochaine rentrée. Il se trouve que Gabriel avait lui aussi reçu le même courrier, et il ne paraissait pas vraiment emballé non plus. Lorsque l'annonce était tombé, Dimitri n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il puisse être envoyé dans cette école. Il avait toujours fait sa scolarité dans des écoles exclusivement réservés aux sorciers, forcément. Mais voilà qu'il était invité à y aller, alors même qu'il venait juste d'obtenir sa malédiction et qu'il était plus que jamais perdu avec toute ses histoires de magie. Mais on ne lui laissa pas vraiment le choix. Son beau-père prit la décision de l'y inscrire, avec Gabriel...

Vraiment, Dimitri ne savait pas comment cela pourrait se passer. Côtoyer des magiciens lui faisait un peu peur. Mais il se promis de faire de son mieux pour pouvoir s'entendre avec eux. Peut-être que ce ne serait pas plus mal, finalement, que Magiciens et Sorciers puissent enfin s'entendre.